Est-ce Froome qui tue le Tour de France, ou ses détracteurs…
Est-ce Froome qui tue le Tour de France, ou ses détracteurs…

Est-ce Froome qui tue le Tour de France, ou ses détracteurs…

Christopher Froome est-il dopé ?

Sur les réseaux sociaux, dans la presse, et aux comptoirs des bars, cette question est pendue aux lèvres de tous les suiveurs du Tour de France. Enfin, ce n’est pas tout à fait exact. On ne se pose pas la question, mais plutôt, on se hâte d’y apporter sa propre réponse. Ferme et catégorique.

Christopher Froome est dopé. Voilà ce qu’on entend et lit à tout bout de champ. Christopher Froome est un sale dopé, et à la tête de son équipe, le Team Sky, il est en train de tuer le Tour de France.

Comment pourrait-il en être autrement ? Il repousse Nairo Quintana, son premier adversaire, à plus d’une minute ; Alberto Contador, lauréat du Giro en mai, à plus de trois minutes et le vainqueur sortant, Vincenzo Nibali, à plus de quatre minutes sur une montée sèche de 15,3 kilomètres. Au-delà du leader britannique, c’est la performance de son équipe, le Team Sky, qui attise le soupçon. Ses deux principaux lieutenants, Richie Porte (2e) et Geraint Thomas (6e), ont eux-aussi devancé deux des plus grands grimpeurs de la décennie. Les équipiers plus forts que les leaders.

L’ombre de Lance Armstrong et de l’US Postal planera sans doute toujours sur le cyclisme. On le revoit encore, comme si c’était hier, sur le dernier podium de sa dernière course professionnelle, prononcer le plus célèbre de ses discours. « Je vais dire à ceux qui ne croient pas au cyclisme, aux cyniques et aux sceptiques. Je suis désolé pour vous. Désolé que vous ne croyiez pas aux miracles. Dans le Tour de France, il n’y a pas de secrets, c’est une épreuve sportive difficile et c’est le dur labeur qui permet de la gagner. Vive le Tour ». C’est sur ces mots que le rideau est tombé sur la (première) carrière du maître du Tour de France, mettant ainsi le point final parfait à un parcours sans faute, comme dans un film américain. C’était il y a dix ans.

Soyons sceptiques, mais soyons-le intelligemment

Seulement, Christopher Froome est-il Lance Armstrong ? Le cyclisme de 2015 est-il le cyclisme de 2005 ? Le Team Sky est-il l’US Postal ? Et surtout, faut-il plutôt retenir que Chris Froome repousse Nibali à quatre minutes, ou que Tony Gallopin ne concède pas plus de 2’22 ?

Soyons intelligents. On peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres. Je pourrais presque prouver mathématiquement que Christopher Froome est dopé, à tel point qu’on me croirait sans peine. C’est d’ailleurs ce que font certains spécialistes. Alors, comment ne pas douter ? Mais s’il est permis de douter de Christopher Froome, il doit aussi être permis de douter du dopage et de ceux qui le pointent du doigt. Les médias relayent allègrement le Tweet de Lance Armstrong, les analyses d’Antoine Vayer, la chronique de Cyrille Guimard. Tous émettent publiquement des soupçons, et tous ont une vraie crédibilité. Mais comment le recordman de victoires dans le Tour de France pourrait-il croire en Chris Froome, alors que lui-même a eu recours au dopage massif à l’occasion de chacune d’entre elles ? Comment le médecin de l’équipe Festina, qui n’officie plus dans le cyclisme professionnel depuis plusieurs années, pourrait-il croire en Chris Froome, alors que son équipe a été l’objet de l’un des plus grands scandales de dopage de l’histoire du vélo ? Comment l’ancien coureur des années 70 et manager général des équipes Raleigh et Cofidis pourrait-il croire en Chris Froome, alors qu’il est déjà persuadé que la moitié du peloton utilise un vélo électrique ?

Si certains produits ne sont pas encore détectables aux contrôles sanguins, c’est bien que le dopage n’est pas visible à l’œil nu. Alors arrêtons de croire que la vérité se cache derrière l’écran de télé.

Une performance habituelle

D’autres spécialistes, comme Frédéric Grappe, demandent plus de recul, plus de données avant d’émettre un avis. Mais ceux qui possèdent cette sagesse sont rarement ceux qui parlent le plus fort. Je me range de son côté. Selon les premiers calculs, Chris Froome aurait monté les 15,3km de la Pierre Saint Martin en 40’44, ce qui donne une puissance étalon estimée entre 425 et 440 watts. Sur une étape très courte, en début de deuxième semaine, sans ascension préalable, c’est en réalité une performance tout à fait habituelle, largement égalée par Nibali, Contador ou encore… Thibaut Pinot au sommet de leur forme. Alors, il faut attendre des calculs plus précis, voire même les données de l’équipe Sky elle-même, avant d’émettre un jugement fiable. Mais on peut d’ores et déjà affirmer que c’est une performance tout à fait habituelle pour l’un des meilleurs grimpeurs mondiaux…

Je n’interdis à personne d’émettre des soupçons. C’est notre droit le plus légitime, surtout au regard du passé du cyclisme. Mais à notre époque, où la communication et le buzz règnent en maîtres, je me demande qui de Christopher Froome ou de ses détracteurs contribue le plus à dégrader l’image de notre sport… Alors que ceux-ci sont souvent les premiers à s’en plaindre.

Pour aller plus loin :

Quelques repères sur les analyses de puissance en cyclisme, par Clément Guillou et Pierre Breteau
Chris Froome, sous le guidon les soupçons, par Pierre Carrey

9 Comments

  1. Hakimo4

    Je rebondis sur ton site puisque c’est vrai que Twitter c’est assez limité.

    Quelle serait la bonne solution à ton avis face à un telle performance (les chiffres précis arrivent demain)? 440Watts (si on atteint ce niveau) c’est déjà énorme (on est presque au seuil “mutant” d’Antoine Vayer). Je n’ai moi même pas de solution miracle si ce n’est que ce genre de performance jette clairement l’opprobre sur le cyclisme d’autant que Froome n’est pas ce qu’on peut appeler un surdoué du vélo (il ne s’est vraiment révélé qu’à 26 ans).

    Parler de dopage tout de suite, sans preuve, c’est sans doute aller trop loin trop vite mais se taire n’est ce pas faire le jeu d’une machine comme la SKY (qui rappelle quand même étrangement l’US Postal).

    La réponse nous ne l’aurons pas tout de suite mais seulement dans 5-10 ans…Le problème il est là. Ceux qui profitent des nouvelles méthodes ont 15 000 coups d’avance sur ceux qui cherchent à faire tomber les dopés.

  2. sisbos

    Tout le monde sait qu’un coureur qui développe 409 watts au seuil est propre, et qu’un autre qui en développe 411 est dopé. Euh mutant, pardon. N’ayons pas peur des mots. Chez Vayer, entraîneur de la Festina mutante de 1998, Vincenzo Nibali est mutant, mais JC Péraud, son poulain, qui réalise le même temps d’ascension, est propre, car grâce à sa mesure de l’aspiration, le seuil se situe pile entre les deux coureurs. Ben oui, quand on définit soi-même des seuils qui n’existent pas, c’est assez facile de leur faire dire ce qu’on veut.

    Mon message, c’est : poser la question, c’est déjà y répondre en partie. Par pitié, suiveurs, coureurs, spécialistes, cessez de croire que l’image fait foi pour juger, ne cédez plus à la tentation du sensationnel, arrêtez de croire que ce que le cyclisme se résume à ce que vous en connaissez. Soyez sceptiques tant que vous voulez ; du moment que vous l’êtes aussi envers vous-mêmes.

  3. Hakimo4

    Au final, tu proposes quoi ? Que devrions nous faire ? (je n’ai moi même pas la réponse)

    Comment réagirais-tu si demain, dans 1 an, dans 5 ans, Froome est découvert ? Tu nous dis qu’il ne faut pas céder au sensationnel mais c’est exactement ce que nous vendent les SKY.

    On a compris que l’habit ne fait pas le moine. Sauf qu’un mec en soutane qui fait la messe, on peut supposer qu’il est curé.

    Alors en gros soit nous sommes des naïfs au pays des bisounours, soit nous sommes de méchants sceptiques. Dans tous les cas, l’image du cyclisme est écorné…la faute à qui ? Pas au quidam derrière son écran….

  4. sisbos

    Et si… Et si Froome était propre ? Ce n’est absolument pas ce que je défends, mais par contre toi, comme beaucoup d’autres, et c’est en revanche ce que je critique, tu réagis comme si cette éventualité n’existait pas.

    Les Sky ne courent pas pour créer la sensation, ils courent pour gagner. Les coureurs ne sont pas des acteurs. Ça, c’est un fantasme intemporel de journaliste. Et s’ils ont les moyens de le faire, ils ne vont pas s’en priver pour faire plaisir au suiveur bienpensant, car ce serait ça, la mort véritable du cyclisme.

    Si Froome est positif demain, ça ne remettra pas en cause la présomption d’innocence d’hier, et encore moins celle de demain.

  5. Hakimo4

    C’est exactement la même histoire que pour Armstrong en son temps.

    Ses performances étaient juste ahurissantes et son explosion fulgurante. Déjà à cette époque, il avait été soupçonné mais sans preuve il ne pouvait pas être condamné…On connait la suite. Quelle était ta position à l’époque ?

    Quand tu dis que les coureurs ne sont pas des acteurs, je ne suis absolument pas d’accord. Par essence, un bon cycliste est un bon acteur en quelque sorte. Il sait bluffait quand il le faut. Ça fait partie du métier. Ce que je regrette c’est de voir que ce Tour sent le mauvais film déjà écrit au bout d’une dizaine de jours.

    Je comprends tout à fait que tu soutiennes le présomption d’innocence et c’est tout à fait louable. J’espère pour le cyclisme qu’il est blanc comme neige, irréprochable comme il l’annonce (et comme Armstrong le faisait aussi). Après je pense qu’il est humain d’avoir des doutes quant à sa performance.

  6. maceo

    Comment ne pas douter après les années, même les décennies qu’on vient de vivre ?
    Parmi les champions présents, Contador, Nibali, Valverde, Quintana pour ne citer qu’eux, ont montré d’excellentes dispositions dès leur arrivée chez les pros. Que dire de Wiggins et Froome au même stade de leur carrière ? Cette aptitude de l’équipe Sky à fabriquer des champions à partir de coureurs quelconques est stupéfiante. A croire que les autres équipes ne connaissent rien en entraînement.
    Beaucoup comparent cette équipe à l’US Postal. Effectivement ça y ressemble mais pas uniquement visuellement. À la lecture des révélations de Hamilton, on apprend qu’Armstrong, bon coureur de classiques devenu subitement imbattable en grand tour, et sa garde rapprochée étaient suivis par le Dr F, que celui-ci aimait aller en vacances au Teide et que pour cette raison ils avaient RDV là bas pour certaines consultations. Que ce docteur demandait à ses “patients” de se tester sur un même col, la Madone, qui lui servait d’étalon pour comparer les niveaux de forme. Ce Dr F était obsédé par le poids et la fréquence de pédalage. Et on découvre dans la presse que Froome et Porte s’entraînent au Teide (l’année dernière c’était même la même semaine que Contador et Nibali, pourquoi cette date commune ?), se testent sur la Madone. Pour ce qui est du poids et de la fréquence de pédalage, pas besoin de faire un dessin…
    Alors oui, il n’y a aucune preuve mais le faisceau de présomptions est si large que personnellement je garde un goût amer de cette victoire d’un habitué des grupettos devenu imbattable du jour au lendemain.

  7. sisbos

    Pardon pour le retard de la réponse, j’ai pas mal de boulot.

    Votre post démontre exactement ce que je développe dans l’article : présenter un argumentaire crédible à la charge de Froome est un jeu d’enfant. Mais d’un autre côté, le démonter est tout aussi facile.

    Par exemple, Contador, Nibali, Valverde, Quintana étaient effectivement tous des cracks chez les jeunes, pas Froome qui “sort de nulle part”. Mais comment comparer la trajectoire de tous ces coureurs issus de pays à très forte culture cycliste, à celle d’un pionnier originaire d’Afrique Noire comme Froome, qui n’a découvert le cyclisme européen qu’à 20 ans ? La manière la plus pertinente de se pencher sur la psychologie d’un coureur, c’est de se pencher sur sa jeunesse, sa trajectoire de vie et son parcours amateur jusqu’aux professionnels. Beaucoup pensent que le cyclisme commence avec le premier contrat pro. Mais il existe en réalité un monde extrêmement complexe en amont, qui fourmille de paradoxes et de diversité, bien plus que chez les pros.

    L’argument du Teide est encore plus absurde. Ferrari n’aimait absolument pas se rendre en vacances au Teide. C’est une simple question pratique : le Teide est de loin le meilleur lieu pour efffectuer un stage hivernal. Proche de l’Europe, avec un hébergement à 2200 mètres, une température de 15-20°, des cols de plus de 25 kilomètres et des structures adaptées à l’entraînement. C’était vrai à l’époque d’Armstrong, mais ça l’est toujours quinze ans plus tard. Je sais de quoi je parle, je devais moi-même me rendre là-bas pour m’entraîner trois semaines au mois de janvier avant de finalement me rabattre sur la Costa Brava pour des raisons pratiques et financières. Oh ben merde, les mêmes dates que Nibali et Contador ! Ben oui, les mecs ne vont pas faire un stage de pré-saison au Teide au mois de juillet. Quant à la Madone, c’est le col le plus long régulier et célèbre dans la région de Nice, il est absolument logique que ce soit la montée référence de Froome qui y habite. Moi aussi, ma montée référence, c’est la montée la plus célèbre du coin.

    Il est tout à fait possible que Froome soit dopé. Ce n’est pas du tout ce que je cherche à faire comprendre. Je cherche à expliquer aux tas de suiveurs qui, comme vous, prennent n’importe quoi pour preuve. Tant que les coureurs que vous incriminez sont effectivement chopés cinq ans plus tard, ce sont eux qui font du mal au cyclisme. Mais le jour où ce vainqueur du Tour sera propre, ce sera vous. Et qui sait si ce n’est pas aujourd’hui.

  8. maceo

    Je n’ai pas pris n’importe quoi pour preuve mais pour suspicion, ce sont tout un tas de choses marginales qui mises bout à bout commencent à sérieusement me faire douter. Je suis d’accord avec le fait que ce ne sont peut être que des coïncidences et que Hamilton a tout à fait pu inventer n’importe quoi pour écrire son livre même si ça colle bien aux autres témoignages recueillis par l’USADA, que tout le reste de l’Europe ait un temps pourri au mois d’Avril, qu’un jeune surdoué venant d’un pays sans culture cycliste ne puisse marcher d’entrée de jeu comme ce fut pourtant par exemple le cas de Lemond, etc. Simplement, une ou deux coïncidences, ce sont des coïncidences, mais trop de coïncidences, la probabilité bien que non nulle devint tellement faible qu’on peut légitimement se poser des questions.
    Je n’ai pas dit accuser et condamner mais bien s’interroger. J’ai tellement l’impression devant Sky de me retrouver devant une photocopie de l’US Postal que je ne peux faire autrement que de me poser des questions.
    Un point sur lequel on est d’accord: la présomption d’innocence est de mise et les seules preuves proviennent des instances antidopage et des forces de l’ordre.

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