Voyage à Kyoto, étape 3 : Nagoya – Kyoto
Voyage à Kyoto, étape 3 : Nagoya – Kyoto

Voyage à Kyoto, étape 3 : Nagoya – Kyoto

La seconde nuit

J’ai dormi sur un futon étalé au sol dans la chambre de Yuusuke, étudiant en troisième année de sciences environnementales. Nous nous sommes levés aux alentours de sept heures, puisqu’il est en stage dans une entreprise le lundi. Au petit déjeuner, il m’a servi omelette, thé vert et pain perdu à la confiture de mandarine. De quoi faire de moi un homme heureux. Depuis l’immeuble, j’ai pu apercevoir dans la cour de l’école d’en face que tous les enfants étaient déjà rassemblés et ordonnés en plusieurs rangés, répétant en chœur les mouvements du maître de la séance de sport. Le Japon est un pays ou les enfants ont école très tôt, mais où on commence paradoxalement assez tard au travail ou à l’université. J’ai accompagné Yuusuke sur une partie du chemin vers son entreprise, puis j’ai tracé ma route dans les grands boulevards.

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Souvenir avec Yuusuke avant de repartir

La traversée de Nagoya

De la même façon qu’il m’avait fallu traverser la moitié est de Nagoya pour arriver la veille, il me fallait traverser la moitié ouest pour repartir en direction de Kyoto. Je me suis arrêté quelques minutes au temple Kouseiji (興正寺) que j’avais aperçu la veille, puis je me suis lancé pour de bon. Nagoya est construite au cœur d’une plaine littorale, bien qu’entourée de collines voir de montagnes dans une couronne plus lointaine. La moitié ouest est régulièrement traversée de canaux, d’une largeur de quelques mètres à plus d’un kilomètre, tous entièrement aménagés ; et si je n’ai pas eu l’occasion de longer le littoral d’assez près pour apercevoir ni la mer ni la zone portuaire, la couronne industrialisée s’étendait sur des dizaines de kilomètres. Il m’a fallu plus d’une heure pour en venir vraiment à bout.

Le tunnel interminable

Entre la plaine de Nōbi (濃尾平野, Nōbi Heiya) et la préfecture de Shiga (滋賀県, Shiga-ken) se dressent une chaîne de moyenne montagne très étroite, les monts Suzuka (鈴鹿山脈, Suzuka Sanmyaku). C’est l’itinéraire que j’ai choisi pour me rendre à Kyoto. Comme je l’ai déjà évoqué, une immense majorité des cols japonais est en réalité sous terre, car ils se terminent très souvent par un tunnel. Celui que j’y ai rencontré m’a laissé un souvenir impérissable. Le tunnel Ishigure (石槫トンネル) est un faux-plat montant de 4157 mètres, dont la glissière de sécurité qui sépare les deux côtés de la route n’autorise pas un cycliste à rouler sur la partie bitumée. Il m’a fallu pas loin de 15 minutes pour en venir à bout, sur le trottoir réservé au personnel de service. Le jeu en valait malgré tout la chandelle, car l’autre versant de la montagne était superbe.

Les singes qui traversent la route

Peu avant la sortie de la chaîne de montagnes, j’ai soudain cru apercevoir un singe sur la barrière latérale, à côté duquel je suis passé à quelques centimètres sans qu’il ne bronche d’un poil. Le temps de confirmer que je n’avais pas rêvé, que je fasse demi-tour et que je sorte l’appareil photo, il avait décampé. Mais alors que je m’apprêtais à repartir bredouille, une famille entière a traversé la route sous mes yeux je ne les ai pas ratés. Un peu plus loin, j’ai croisé leurs cousins pendus à des arbres sur le bas-côté. À l’entraînement, il m’était déjà arrivé de voir des cerfs, des aigles, des hérons, des lapins, des flamands roses et même un sanglier une fois, mais je reconnais que c’était bel et bien la première fois qu’une famille de singes traversait la route calmement sous mon nez.

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Surprises sur la route

Le lac Biwa (琵琶湖, biwako)

Le lac Biwa est le plus grand lac du Japon et le troisième plus vieux du monde, avec environ 4 millions d’années. C’est aussi un décor populaire de la littérature classique japonaise, puisqu’il se situe à proximité des deux anciennes capitales, Nara (奈良) et Kyoto (京都). Pendant les longs kilomètres qui m’ont amené au bord du lac, j’ai longé une voie ferrée, et partagé mon trajet avec celui d’un train, moyen de transport roi au Japon. Il roulait plus vite que moi, mais je le redoublais toujours quelques centaines de mètres avant d’arriver en gare, à fréquence régulière. Nos routes se sont finalement séparées quand j’ai choisi la piste cyclable, pour me diriger droit vers l’eau. Si la plaine de Shiga est assez peuplée, les constructions ne s’étendent pas jusqu’aux rives, en tout cas dans un premier temps. Régulièrement, de petits ports de plaisance ponctuent les aménagements cyclables. En revanche, plus on s’approche du sud, plus la ville se rapproche, jusqu’à venir allégrement lécher les contours de l’eau.

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Le Lac Biwa et ses quais de plaisance

Rainbow road

Au Japon, Rainbow road (レインボーロード, la route arc-en-ciel) n’est pas le nom du célèbre circuit le plus difficile de Mario Kart mais celui d’un pont qui traverse le sud du lac Biwa pour relier la plaine de Shiga de la ville de Ootsu (大津) dernier rempart avant Kyoto. Payant pour les véhicules à moteur, mais pas pour les cyclistes, puisque je suis sorti de la piste cyclable juste après le péage. Plat sur le premier kilomètre, il propose ensuite une côte de cinq cent mètres environ pour laisser passer les bateaux en-dessous, et au sommet de laquelle on a une superbe vue sur le lac et ses environs.

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L’anse sud du Lac Biwa depuis la Rainbow Road

Kyoto

J’ai un peu trop lambiné en route, avec plusieurs pauses sans vraiment jouer la montre. Je suis donc arrivé sur Kyoto un peu en retard sur l’horaire prévu. Une fois parvenu à l’extrême sud du lac Biwa, avec 140 kilomètres au compteur, il me restait à franchir la chaîne du Mont Hiei (比叡山) afin d’enfin pouvoir apercevoir mon objectif, Kyoto. Malheureusement, je n’ai pas trouvé de point de vue en altitude avant la tombée de la nuit. J’ai directement plongé dans la ville, qui s’adosse à la colline. Kyoto est une ville à l’ambiance fascinante et unique au monde. D’immenses buildings au design futuristes côtoient quelques-uns des plus célèbres et anciens temples du monde. Malheureusement, je n’en ai aperçu que l’ombre. Tant que la lumière me le permettait, c’est-à-dire pendant un peu plus d’une heure, j’ai parcouru l’ouest de la ville, où se trouvent le palais impérial et tous les bâtiments les plus célèbres. Même un lundi de fin novembre, à la tombée de la nuit, le flot de touristes est impressionnant. Grâce à mon vélo, même en une heure de temps, je pense en avoir vu davantage qu’eux en une journée entière. Lorsque la nuit est devenue noire, j’ai fini par me diriger vers le centre-ville. Je garde aujourd’hui de Kyoto un souvenir à moitié irréel, teinté par la fatigue, le crépuscule et la brièveté de ce passage éclair.

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Arrivée fatigué à Kyoto, mais la course continue… Contre la tombée du jour

Le retour en bus de nuit (夜行バス)

La gare se trouve au pied de la Kyoto Tower, impressionnant édifice qui trône sur l’ancienne capitale. C’est ici que mon voyage prenait fin. Mon bus est parti de Kyoto à 23h30, pour effectuer en 6h par autoroute le même trajet que moi en trois jours à vélo. J’ai choisi cette solution car c’est un moyen de transport confortable, rapide et surtout beaucoup plus économique que les autres alternatives et entre autres le Shinkansen. En tout et pour tout, alors que j’ai couvert 550 kilomètres et passé trois nuits, le budget de ce voyage aura donc été de 3970¥, soit un peu plus de 30 euros (3000 pour le bus, 970 pour la section de 40km effectuée en train le premier jour qui n’était pas budgétée). Je n’ai pas rencontré trop de problèmes pour dormir malgré les pauses récurrentes, grâce aux boules Quiès et au masque pour les yeux. Je suis arrivé à Takaosanguchi, à l’extrême ouest de Tokyo, aux alentours de 6 heures du matin. Une dernière liaison en train, puis une sieste d’une petite heure à peine, et me revoilà sur les bancs de la Fac pour une nouvelle semaine…

3 Comments

  1. marco

    Salut Tom,

    Voyage court mais intense !

    La photo de nuit est d’enfer, c’est pris avec un smartphone ?

    Grosses cernes sous les yeux pour le dernier selfie… Il était temps de se reposer un peu !

    Ciao

    1. sisbos

      J’ai triché cette fois pour la photo de nuit, elle n’est pas de moi. Mais elle retranscrit très bien l’ambiance du dernier soir à Kyoto et j’aurais pu prendre la même si j’avais eu un bon appareil.

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