Voyage à Kyoto, étape 2 : Iida – Nagoya
Voyage à Kyoto, étape 2 : Iida – Nagoya

Voyage à Kyoto, étape 2 : Iida – Nagoya

La première nuit

J’ai passé ma première nuit dans les logements de l’équipe franco-japonaise Neilpryde Nanshin Subaru, dans lesquels j’ai été accueilli par Maxime Martin, un autre français expatrié pour le cyclisme. Puisque je suis arrivé en train, il m’a accompagné depuis la gare et depuis ce moment, nous n’avons pas fait grand-chose d’autre que de discuter. Ancien coureur de DN1 d’un très bon niveau, il court désormais au Japon pour suivre son amie philippine. J’ai donc parlé français sans discontinuer pendant une paire d’heures, ce qui ne m’était plus arrivé depuis au moins deux mois. Je n’ai pas eu le temps de faire grand-chose d’autre qu’une lessive. Iida est une petite ville de campagne située à 600 mètres d’altitude dans la vallée encaissée de la province de Nagano, au pied des Alpes Japonaises. Je n’ai pu découvrir le décor que le lendemain matin, lorsque le soleil s’est levé, sans toujours le moindre nuage. Je suis donc reparti pour la seconde étape, avec comme objectif la ville de Nagoya.

Premières faiblesses physiques

Après une nuit de sommeil convenable, je ne suis pas remonté fatigué sur le vélo. Dans ce contexte, la récupération est très importante, et après cinq mois sans compétition, je retrouve un peu les contraintes d’une course par étapes. Le cœur était logiquement un peu plus bas que la veille au réveil, après avoir été très haut au coucher ; mais les jambes tournaient sans trop de peine et dès que les muscles se sont chauffés, j’ai retrouvé des sensations agréables. En revanche, la première inquiétude est venue d’une douleur au genou qui est apparue progressivement au cours de la journée. J’ai rapidement compris son origine : plus habitué à de telles contraintes, mon corps a mal supporté le cuissard, et mon mouvement de pédalage à droite s’en est trouvé légèrement modifié. Il n’a pas fallu longtemps pour que la douleur apparaisse. Je suis traditionnellement sujet à ce genre de blessure pendant l’hiver. Le pédalage a donc été pénible et m’a un peu empêché de profiter du reste, surtout que j’avais fixé un rendez-vous un peu trop tôt sur Nagoya qui ne m’a pas permis trop de décontraction.

J'ai quitté les montagnes, dont on aperçoit encore les sommets au fond, pour redescendre vers la mer.
J’ai quitté les montagnes, dont on aperçoit encore les sommets au fond, pour redescendre vers la mer.

Le col du froid

Pour sortir de la vallée dans laquelle se trouve Iida, il me fallait franchir le col de Samuhara (寒原峠 ) à 1100 mètres d’altitude environ. Le premier kanji est celui du froid, le second évoque la nature ou la campagne et le troisième est celui du col. On pourrait donc le traduire par « le col du froid » ou quelque chose du genre. Les 8 kilomètres d’ascension m’ont paru très longs sur une grande nationale. Pour passer le temps, je tentais de lire les inscriptions des panneaux. Je me suis ainsi rendu compte que j’arrivais maintenant à comprendre le sens de la totalité d’entre eux, à quelques exceptions près s’il me manquait un Kanji clé. Il reste cependant encore une majorité dont je ne connais pas la lecture. Sur le plateau qui s’en est suivi, plusieurs stations de ski parsemaient les hauteurs, encore vides de neige (la limite se trouve encore actuellement à plus de 2000 mètres).

Le col de Samuhara : littéralement, le col où il fait froid
Le col de Samuhara : littéralement, le col où il fait froid (et effectivement, quatre degrés contre seize à destination).

Les konbini

Sans konbini, un voyage comme celui-ci serait nettement plus pénible. Pendant les trois jours de ce voyage, j’ai eu recours à une petite dizaine d’entre eux. Mais de quoi s’agit-il ? Le mot japonais konbini (コンビニ) vient de l’anglais Convenience Store. S’il est aussi répandu dans d’autres pays comme les Etats-Unis ou l’Australie, le konbini est une spécificité culturelle locale, donc je bénéficie par corollaire, en tant qu’expatrié ; et je dois reconnaître qu’on s’en accommode bien vite. Plusieurs compagnies se répartissent le nombre ahurissant de 60 000 enseignes à travers le pays. On en trouve à chaque coin de rue dans les grandes villes et même à intervalles réguliers dans les zones rurales. Il sert à absolument tout : faire les courses évidemment, mais aussi retirer de l’argent, acheter des billets, régler ses factures… L’autre miracle vient des onigiri, ces petites boulettes de riz fourrées qui se vendent un peu plus de 100 yen (un peu moins d’un euro) et qui remplacent le sandwich. Comme ravitaillement, je n’ai donc sur moi que quelques pâtes de fruit de secours. Je n’ai besoin de rien d’autre !

La descente vers Nagoya

Au sommet du col de Samuhara, je m’attendais à une longue et rapide descente vers Nagoya. Au contraire, de nombreux petits cols ont obligé mon genou à plus d’efforts qu’il ne l’aurait fallu, alors que la montre tournait. Plus je me rapprochais du littoral néanmoins, plus les montagnes devenaient collines et les collines des plaines. Une fois rejoint la banlieue de la ville de Toyota (qui pour l’anecdote, s’écrit 豊田 – dont sont originaires les voitures que vous connaissez – c’est-à-dire exactement comme le quartier dans lequel j’habite, mais qui lui se prononce Toyoda. Les deux kanjis signifient simplement « prospérité » et « rizière », un nom plutôt commun donc), il ne me restait que de la plus-ou-moins-plaine pour rejoindre Nagoya, quatrième ville du Japon, mais d’une taille similaire à Paris. Mon rendez-vous était à la gare du centre-ville, la traversée m’a donc pris près d’une heure et demie. Contrairement à la région dans laquelle je vis à Tokyo, quelques champs cultivés subsistaient encore dans la périphérie. Je suis arrivé à destination après 145 kilomètres et 5h30 de selle, aux alentours de 15h30, ce qui allait me permettre de visiter la ville.

Le quartier de la gare de Nagoya, comme souvent le coeur de la ville.
Le quartier de la gare de Nagoya, comme souvent le coeur de la ville.

Passage à la télé

Alors que j’étais en train de ranger mon vélo dans sa housse sur l’esplanade de la gare, et que je venais de rencontrer Yuka, qui m’accueillait pour la journée (l’amie d’un ami français qui a vécu un an à Nagoya), nous avons été interrompus par une équipe en costume armés de caméras et d’un micro, qui nous ont demandé de participer à leur programme. L’affaire consistait à choisir, parmi un canevas de visages, la personne que l’on souhaitait devenir notre chef, puis celle qui nous attirait le plus, puis celle dont on aimerait être le collègue de travail. L’échange était assez absurde jusqu’à ce qu’ils finissent bien entendu par avoir la mauvaise idée de me demander d’où je venais. À partir de là, il n’a pas été moins absurde, mais il est devenu beaucoup plus drôle. Les individus qu’on nous a présentés étaient en fait des membres de la direction du groupe Toyota (et certains étaient présents) et je conjecture qu’il devait s’agir d’une étude auprès du public quant à l’image de ses dirigeants ou quelque chose du genre.

Nagoya, la ville de province plus grande que Paris

Nagoya est la quatrième ville du Japon, mais elle est de la même taille que Paris et d’une densité plus grande. Je disposais de peu de temps, mais de la meilleure guide qui soit : Yuka étudie la psychologie dans une université prestigieuse de la ville. Nous avons d’abord été manger le Misokatsu, le plat culinaire le plus célèbre de Nagoya, un morceau de porc relevé au miso dont le goût est sucré. Le serveur ne s’est probablement toujours pas remis du nombre d’aller-retours qu’il a du faire pour me refournir en thé et en riz. Lorsque nous sommes sortis du restaurant, il faisait déjà plus ou moins nuit. Nous sommes donc allés visiter un temple, puis le quartier commerçant de Nagoya. J’ai été particulièrement surpris par la différence de prix avec Tokyo, globalement plus cher. Puisque nous étions tous les deux épuisés de nos journées respectives, nous avons pris nos quartiers dans son appartement, où j’ai pu enfin prendre une douche (お風呂), où l’on se lave d’abord en-dehors puis on se rince ensuite ; et dormir une heure sous le kotatsu, une table basse chauffante (objectivement l’une des inventions japonaises les plus agréables !).

Autour du
Autour du Misokatsu dans la gare de Nagoya

La seconde nuit

Aux alentours de 22h, j’ai quitté Yuka avec la promesse de se retrouver sur Tokyo et j’ai remonté le vélo pour rejoindre l’appartement de Yusuke, à six kilomètres de là, qui me recevait pour la nuit. Yusuke est lui aussi étudiant dans la même université, mais étudie les sciences environnementales. Il rentrait de sonアルバイト, travail à temps partiel dans un restaurant italien, dont presque tous les étudiants japonais sont tributaires, en raison du coût d’entrée dans les universités. Nous avons échangé un long moment avant d’étendre le futon et de récupérer pour une seconde nuit salvatrice, avant de repartir pour Kyoto, ma destination finale.