Tour du Sénégal, étape 2. 11e
Tour du Sénégal, étape 2. 11e

Tour du Sénégal, étape 2. 11e

Après une (très) courte nuit de sommeil, nous sommes de retour aux affaires à partir de 6 heures du matin. Un petit déjeuner frugal, et nous embarquons dans le bus pour Kaolack, notre destination la plus septentrionale de la semaine. Après un voyage interminable de deux heures trente sur des routes qui n’en ont que le nom, nous avons été accueillis par un soleil de plomb et une quarantaine de degrés à l’ombre. Dehors, l’astre en lui-même reste pourtant invisible, car ici, la couleur naturelle du ciel n’est pas bleue, mais grise. départ a finalement été donné aux alentours de 14h. Dès la sortie de Kaolack, le vent a soufflé de trois quarts face. Étant donné que le parcours ne comprenait presque aucune courbe (oui, une ligne droite plate de 150 kilomètres), j’ai rapidement compris que la course allait être extrêmement compliquée. Après une quinzaine de kilomètres, les deux africains qui me précédaient s’accrochent et je ne peux rien faire pour les éviter. J’ai eu le réflexe de ralentir suffisamment pour limiter les dégâts, mais les coureurs qui me suivaient ne l’ont pas eu. Avec un bon tiers du peloton, j’ai goûté le bitume. J’ai pris le temps de récupérer des bidons et de vérifier que tout tournait (à peu près) correctement avant de repartir, mais j’ai perdu une paire de lunettes Oakley dans l’affaire. Cette chute m’a donné l’opportunité de me rendre compte que les sensations sont beaucoup plus mauvaises que la veille. Je me bats quelques kilomètres entre les voitures et les camions pour revenir dans une seconde bordure (une chute massive est l’un des seuls prétextes valables pour rouler en ce qui concerne les africains). Le peloton est déjà réduit à une petite quarantaine de coureurs.
Une fois ce premier ménage effectué sur incident, une échappée de quatre coureurs prend le large, quatre coureurs peu dangereux : notre coéquipier Frédéric accompagné de trois africains. Ils prennent une minute et trente secondes d’avance, avant que Steve ne ressorte avec un autre coureur et établisse la jonction. Nous sommes alors dans la situation idéale. De mon côté, je suis carrément à la peine sur ces premiers kilomètres et je participe parfois aux mouvements, au bluff. Mais le coup de bordure des marocains me rappelle à la réalité : trois d’entre eux, dont le leader du classement général, s’en vont seuls en oubliant le peloton en route. Je suis resté à vingt mètres, mais je n’étais pas capable de boucher le trou. L’échappée, en fin de compte, a ainsi compté douze coureurs pendant un certain temps.
Derrière, le fort vent de trois quart face donnait lieu à des scénarii assez surréalistes. Après une heure trente de course, la moyenne était de 32km/h. Personne ne voulait rouler : la plupart du temps, le peloton progressait à 20 kilomètres par heure. Il a fallu attendre le kilomètre 60 pour qu’une entente assez miraculeuse ne s’établisse, en compagnie des hollandais de Global Cycling et les slovaques du Team Merida. Un temps monté jusqu’à près de quatre minutes, l’écart est lentement descendu, et surtout, l’échappée s’est cassée en deux. Nous avons malheureusement rattrapé Steve et Frédéric, mais seuls trois coureurs, deux africains et le marocain leader du classement général Zouhair Rahil, sont alors restés en tête. Je n’ai aucune idée de la façon dont ils ont pu se retrouver ainsi esseulés à trois à l’avant. Une fois le reste de l’échappée reprise, l’entente miraculeuse s’est dissipée. Parfois le peloton roulait, auquel cas il fallait participer au mouvement pour ne pas se retrouver dans la bordure, parfois se relevait totalement, auquel cas on ne progressait plus qu’à 20km/h. J’ai du boire une vingtaine de bidons, de sachets d’eau ou de bouteilles de coca-cola, cherchant surtout à m’hydrater et à retarder l’insolation par tous les moyens. Malgré la moyenne de toujours 32km/h, nous n’étions plus qu’une vingtaine dans ce qu’il restait du peloton ! Malgré la lenteur, la souffrance était permanente, une souffrance très différente de nos habitudes de coureurs occidentaux…
Un africain repris de l’échappée, je me suis appliqué à récupérer la bonification restante, m’assurant ainsi le maillot de meilleur jeune si le marocain porteur terminait dans le même temps que moi. Steve a contré le sprint intermédiaire pour se retrouver seul en contre derrière les deux de tête, dont, le maillot jaune, toujours quatre minutes devant nous. Il restait alors presque 50 kilomètres jusqu’à l’arrivée. Les écarts se sont creusés, et d’après les informations de l’ardoisier, il est parvenu à combler deux des quatre minutes sur l’impressionnant Rahil, désormais seul en tête. Derrière, puisqu’aucune équipe ne s’entendait, l’écart avec Steve est monté assez vite jusqu’à 4 minutes. J’ai donc tenté de l’imiter en sortant seul à 35 kilomètres de l’arrivée. J’ai pris trente secondes d’avance, mais les hollandais ont recréé un semblant de cohésion et après 5 kilomètres seul, je me suis relevé. Je ne sais pas comment ont fait les deux machines Steve et surtout le maillot jaune surpuissant, mais toujours est-il qu’ils sont allés au bout et se sont octroyés les deux premières places de l’étape. Derrière eux, deux coureurs sont finalement ressortis pour aller faire 4 et 5, dont l’un des deux hollandais dans le même temps que le leader marocain. Steve remonte donc seulement troisième au classement général, mais il n’est plus qu’à une trentaine de secondes de la deuxième place. Enfin, à une quinzaine de kilomètres de l’arrivée, j’ai enfin trouvé l’ouverture en compagnie de 7-8 coureurs, dont trois seulement ont collaboré avec moi. J’ai roulé pour gagner du temps au classement général et, pétri de crampes, au terme de 5h d’effort, j’ai terminé dernier de mon groupe, à la 11e position. Mais je suis surtout parvenu à me débarrasser des autres marocains, qui ne sont désormais plus dangereux au classement général. Cela me permet de récupérer le maillot blanc de meilleur jeune et de conserver ma 5e place au classement.
Les organismes ont été mis à rude épreuve sur cette seconde étape, sans commune mesure avec celle de la veille, courue vent de dos à 44km/h de moyenne. Les écarts, déjà conséquents la veille, sont juste astronomiques aujourd’hui. Mon groupe, qui s’est disputé la 5e place, arrive à plus de 9 minutes du maillot jaune qui gagne en solo ; le reste du peloton, que nous avons distancé à moins de 20 kilomètres de l’arrivée, termine lui à plus de 16 minutes… Demain, nous aurons une grande boucle de (théoriquement) 127 kilomètres autour de Somone et les seuls reliefs du pays (on parle d’une côte d’un kilomètre, pas de quoi effrayer un stéphanois). Mais surtout, les deux étapes suivantes sont annoncées à 198 et 180 kilomètres de distance. La plus longue d’entre elles est une transversale sud-nord vers Saint-Louis, la seconde ville du Sénégal. Et si le vent souffle dans la même direction qu’aujourd’hui, il sera de face, ce qui pourrait faire une journée à 7 heures de selle…