La pluie a enfin laissé place au soleil pour, on l’espère, les trois derniers jours de compétition. Mais celle-ci a laissé derrière elle juste ce qu’il faut de vent pour conserver un peu de nervosité dans le peloton… Sept tours de vingt kilomètres cette fois-ci, avec deux petites montées enchaînées, puis une longue plaine dégagée d’abord vent de côté, puis de trois-quarts face. Autant dire que la course était facile à lire : sept fois, il fallait se replacer à l’entame de la plaine et sept fois, il était possible de se relâcher dans la section finale.
On a pourtant eu un petit coup de sang lorsque après une trentaine de kilomètres de course, un groupe de sept coureurs a pris jusqu’à trois minutes d’avance, avec toutes les principales équipes représentées. Mais l’équipe nationale de Russie, leader de la course avec Savitskiy, n’avait visiblement pas placé le bon élément, et ils ont finalement pris la chasse à leur compte avec une certaine efficacité, puisque l’écart est retombé en-dessous de la minute en seulement deux tours. S’ils ont ensuite baissé un peu le rythme pour ne pas revenir trop vite et éviter les contres, j’étais pleinement rassuré, et il ne faisait presque aucun doute que l’on allait arriver au sprint massif à Pozarevac.
Finalement, c’est mon coéquipier Artem qui a décanté la course en attaquant sèchement dans la première montée de l’avant-dernier tour, à quarante kilomètres du but. Cela a permis de reprendre cinq des sept coureurs de tête, mais surtout, de mon côté, de réaliser que comme d’habitude, la pluie laisse des traces profondes sur mes muscles et que j’en récupère assez mal. Heureusement, le cœur, lui, répond très bien et sur le plat, je suis nettement moins gêné.
Deux coureurs font de la résistance jusqu’à six ou sept kilomètres de l’arrivée. Dans les dix derniers kilomètres, je suis extrêmement concentré et je fais totale confiance à Artem et Szabi qui ont consigne de m’emmener, Szabi devant lancer d’assez loin pour anticiper le mouvement des équipes plus nombreuses comme nous en avons convenu au briefing. Je choisis de m’intercaler entre eux deux pour être certain de ne pas perdre leur roue. Aux trois kilomètres, nous sommes parfaitement placés à l’abri du vent, dans les dix premières places. Mais soudain, à ce moment, Artem attaque, me laissant seul au milieu des trains qui n’ont alors plus de pitié pour moi… Pour se faire reprendre un kilomètre plus loin. Plein de vagues me remontent et je me retrouve autour de la quarantième position au passage de la flamme rouge. Je retrouve Szabi qui donne tout pour me remonter de dix places, mais il est à bout de forces. Aux 500 mètres, je n’ai plus le choix, je donne tout et je remonte une vingtaine de coureurs, pour échouer à la 11e place, très loin de mes possibilités.
Une grosse déception, et surtout une précieuse occasion de bêtement gâchée. Nous n’avons pas encore débriefé, mais je ne comprends pas pourquoi Artem a joué sa carte personnelle à ce moment de la course. S’il avait utilisé ses forces pour me replacer plutôt que pour attaquer, j’aurais pu entamer mon sprint dans les 10 premières positions. À ce moment, vu ma remontée finale, j’aurais peut-être plutôt joué pour le podium… Il reste encore deux occasions et je n’ai pas dépensé trop d’énergie aujourd’hui. Je pense que je serai un peu mieux demain, mais rien ne dit que nous aurons un sprint cette fois-ci, puisque le parcours est un peu plus vallonné et beaucoup plus tortueux. Si cela permet d’éliminer les trains, ce n’est peut-être pas pour me désavantager…