Les Alpes du sud
Les Alpes du sud

Les Alpes du sud

Puisque la condition commence à revenir et que je suis libre comme l’air, j’ai décidé d’établir mon camp de base pour une semaine à Isola 2000, dans le col de la Lombarde, en plein cœur du massif du Mercantour. La majorité des cols manquant encore à mon palmarès se situant dans cette région, l’une de mes préférées par ailleurs, c’est une destination que je visais depuis un certain temps, et je pensais ne pas en avoir l’opportunité avant mon départ pour le Japon. Le fait d’être libre de toute contrainte sportive me permet de m’émanciper de certaines barrières, que je suis content de pouvoir enfin franchir. Pas seulement extérieures, mais aussi intérieures…

Stats du bloc de travail : 6 jours, 5 sorties, 32h de selle, 22 000m de dénivelé, 762km
Dont, en 4 sorties : 30h de selle, 20 000m de dénivelé, 715km.

Col de la Bonette
Col de la Moutière
Colle Fauniera
Col de la Lombarde (x2)
Col de la Cayolle
Isola 2000 (x2)
Col de Tende
Col de la Couillole
Col de Valberg
Mont Colombis
Col de Turini (x2)
Col de Brouis

Samedi 1 août : le Mont Colombis

J’ai profité du trajet aller pour viser l’une des montées les plus difficiles de France, qui reste pourtant totalement méconnue : le Mont Colombis, à une trentaine de kilomètres de Gap, au sud du Lac de Serre-Ponçon. Une sortie courte d’une cinquantaine de kilomètres, mais intense puisque je prévoyais de réaliser l’ascension au maximum de mes possibilités pour étalonner mon niveau de perf actuel, après une coupure et un retour progressif en puissance – c’est toujours difficile de savoir où on en est sans la compétition. Pour l’échauffement, j’ai opté pour le Col Lebraut, au-dessus du barrage de Serre-Ponçon, puis poussé jusqu’au petit village perché de Rousset avant de revenir sur mes pas alors que la pluie commençait à tomber. J’ai finalement attaqué le Mont Colombis sous l’orage.

Dès le pied, c’est raide et les deux variantes (depuis Rémollon ou Espinasses) se rejoignent après un gros kilomètre. Jusqu’au village perché de Théus, la pente est plutôt régulière. Mais à partir du village, certaines rampes commencent à taper raide pendant vraiment longtemps, et chaque kilomètre, la pente est renseignée sur une borne plutôt précise. Les lacets se succèdent avec plusieurs ruptures de pente mais jamais de véritable replat avant le 5e kilomètre. Au milieu des champs, la pente s’adoucit nettement et les lacets se calment pendant un gros kilomètre, avec même quelques centaines de mètres à deux ou trois pourcent seulement. Le franchissement d’un petit col intermédiaire marque la fin du replat et le début d’une nouvelle succession de sections à fort pourcentage. Par temps clair, on peut apercevoir le relais hertzien sur la droite, tout en haut de la montagne : il semble encore inaccessible, alors que la moitié de la distance a déjà été couverte… C’est à trois kilomètres du sommet environ que les choses se compliquent véritablement : la route pénètre une petite forêt, et les pics de pente atteignent désormais 13 ou 14% par endroits. Après un dernier lacet, la route s’adosse à la falaise : on se dirige à présent tout droit vers le sommet, et les deux derniers kilomètres sont les plus raides, tous deux à plus de 12% de pente moyenne.

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La vue depuis le sommet du Mont Colombis

J’ai couvert les 11,7km à 9,3% en 48’09 soit une moyenne de 14,4km/h et approximativement 330 watts. Je pense que j’aurais pu gagner une trentaine de secondes avec une météo sèche. C’est une montée difficile à gérer compte-tenu des différents changements de rythme et du final raide comme on en trouve peu en France. Pourtant, c’est une montée qui vaut vraiment le détour. La route est très correcte, on ne croise presque personne et les trois derniers kilomètres sont splendides. Qui plus est, au sommet, la vue sur plus de 180° est absolument magnifique…

Dimanche 2 août : Cime de la Bonette, Col de la Cayolle, Valberg, Col de la Couillolle, Isola 2000

Après l’échauffement de la veille, place aux choses sérieuses, avec la plus grande boucle de ma semaine. Au programme, 226 kilomètres et quatre grands cols pour un total de plus de 7000m de dénivelé positif – un peu plus que mon précédent record suisse. Comment se prépare-t-on à une sortie de plus de 9 heures de selle à un rythme soutenu, qui plus est un dimanche en montagne, où les magasins sont fermés ? Avec l’expérience, j’ai plusieurs ‘trucs’ qui me permettent de partir serein. D’abord, au cas où, un billet de dix euros entre la coque et la batterie du téléphone portable. Ensuite, une organisation optimale des poches dorsales : là, on a chacun nos manies. Moi, j’ai l’habitude de mettre toujours le téléphone dans la poche droite – parce que je suis droitier et que ça raccourcit le chemin des écouteurs. Je l’accompagne du ravitaillement sucré rapide : gels et pâtes de fruit voire barre de céréales. Dans la poche centrale, chambre à air + chasuble (la pompe sur le cadre). Et dans la poche de gauche, le reste du ravitaillement. Pour ce genre de sorties, deux poches pleines de ravitaillement peuvent ne pas suffire, alors je glisse des sandwichs dans mon dos (5 sandwichs de pain de mie pour ce dimanche). S’ils sont bien disposés, ils bougent très peu et sont tenus par les poches. D’autres petits trucs : je prévois toujours quelques podcasts à l’avance, pour joindre l’utile à l’agréable. En cas de pénurie, selon les régions et les horaires, entre France Inter et France Culture, on trouve toujours des émissions sur des sujets intéressants.

Après une rapide descente dans la vallée, j’ai du remonter la vallée de la Tinée jusqu’à Saint-Etienne-de-Tinée et le pied du col de la Bonette, qui mène à la route la plus élevée d’Europe, à 2802m, comme de nombreux panneaux ne manquent pas de le rappeler tout au long du parcours – ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait vrai, en fait, puisque la route la plus haute se situe au pico Veleta dans la Sierra Nevada, au-dessus de 3000m. Le col de la Bonette n’en reste pas moins une ascension longue et difficile, qui attire un grand nombre de cyclos venus de toute l’Europe. Et en particulier, deux belges, qui m’ont croisé dès le pied et sont montés avec moi une partie de l’ascension, touts fiers de m’annoncer qu’ils rejoigainent Jausiers pour la nuit, avant de remonter ainsi jusqu’en Belgique. Bien sûr, ils ont fini par poser la question qu’il ne fallait pas poser : “et toi, tu roules combien aujourd’hui ?”…

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Le village fantôme du Camp des Fourches

Ils sont montés à un bon rythme à mes côtés, et le dernier d’entre eux m’a d’ailleurs donné du fil à retordre, car j’aurais bien voulu rester dans ma zone de confort, avec encore 7 heures de selle. Mais finalement, il s’est éteint peu à peu et il a rapidement décroché de la roue. Le col est long (25km) mais très régulier et jamais raide. Compte-tenu de l’altitude, la végétation disparaît vite. Un peu au-dessus des 2000m, on traverse un étrange village en ruines, le Camp des Fourches, perdu au milieu de rien. La route s’adosse à la montagne, qu’elle longe jusqu’à la Cime de la Bonette, qu’on aperçoit au loin. Une fois le col passé, les 900 derniers mètres sur la distance “rajoutée” pour passer artificiellement les 2800m est beaucoup plus raide. Il n’y a pas véritablement de col au sommet, la route reprend simplement sa progression en redescendant de l’autre côté de la cime pour rejoindre le col là où elle l’avait laissé. J’ai réalisé une ascension plutôt rapide, puisque je suis monté à 16,4km/h de moyenne, ce qui me donne le 11e temps d’ascension.

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Le sommet se trouve après la Cime, mais le col est pourtant bien… Derrière moi !

Mais plus encore que le col, j’ai adoré la descente, qui se fait sur une route en excellent état avec une visibilité excellente. J’ai mangé deux sandwichs et rempli les bidons une première fois à Jausiers. Le second col, celui de la Cayolle, était à peu près aussi long que le précédent, mais nettement plus roulant, à l’exception des 6 derniers kilomètres. La route longe le ruisseau du Bachelard pendant les 20 premiers kilomètres d’ascension très cléments. Une fois celui-ci franchi, avec la barre des 2000m, la route se tourne vers le col avec un peu plus de pente, jusqu’à 2300m. J’étais encore fringuant, et j’ai profité de la longue vallée descendante jusqu’à Guillaumes pour manger mes trois derniers sandwichs et effectuer ma troisième pause bidons. La montée vers Valberg n’est pas la plus difficile, mais il s’agit tout de même de 13 kilomètres d’ascension à 7%. J’ai commencé à subir l’effort et à m’alimenter davantage en sucré. Il m’a fallu une cinquantaine de minutes pour en venir à bout. J’ai trouvé la station très grande et assez peuplée, en tout cas bien davantage qu’Isola 2000. Sans transition ou presque, il a fallu repartir pour le Col de la Couillole, heureusement par son versant facile. Avec déjà 180 kilomètres assez intenses dans les jambes, j’étais encore capable d’appuyer un peu dans les parties plus roulantes. Une nouvelle partie de plaisir dans la descente pour atteindre les 200 kilomètres.

Mais il restait encore à remonter à Isola 2000 depuis Saint-Sauveur de Tinée et ses 500m d’altitude. La vallée montante est plutôt bien passée, mais dès le pied de l’ascension – et le 5e arrêt bidons – j’ai tapé la tête dans la pente. La montée a été interminable, davantage à cause de l’épuisement d’un début de sortie assez appuyé (27km/h de moyenne au pied, quand même) que de l’alimentation, puisque je n’ai rien mangé dans cette dernière montée. Je suis arrivé au chalet après 9h15 de selle, peu avant la tombée de la nuit.

 Lundi 3 août : Col de la Lombarde sud, Colle Fauniera, Col de la Lombarde nord

Pour cette seconde sortie depuis Isola, direction l’italie : le Col de la Lombarde marquant la frontière n’est distant de la station que de quatre kilomètres, et fait figure d’échauffement plutôt apprécié après le raid de la veille. Le col est magnifique dans son versant italien, bien davantage que du côté français. Mais la route, elle, en revanche, est nettement moins bonne… Et justement, à mi-descente environ, j’ai croisé un accident de moto. De mon côté, j’ai d’ailleurs eu un peu de chance, car après quelques kilomètres dans la pleine, mon frein avant est tombé de l’étrier, à cause d’une vis desserrée. J’ai pu la remettre en place et poursuivre ma route.

J’ai ensuite redescendu la vallée jusqu’à Borgo San Dalmazzo, porte d’entrée de la plaine du Pô et porte de sortie des Alpes : autour de moi, les montagnes sont devenues de plus en plus petites jusqu’à totalement disparaître. J’ai contourné le massif pour m’y engouffrer de nouveau un peu plus loin, à hauteur de Cuneo, et la route a repris à monter progressivement, en même temps que les montagnes se sont agrandies. Le bourg de Pradleves marquait le pied de mon principal adversaire du jour : le Colle Fauniera, un vrai monstre – certainement dans le top 10 des grands cols alpins les plus difficiles et paradoxalement totalement méconnu. Il s’élève de 900 à 2500 mètres en 19 kilomètres, soit 8,2% de pente moyenne. Le Giro ne l’a emprunté que deux fois, et Marco Pantani qui était passé au sommet en 1999 y dispose désormais d’une superbe stèle à sa mémoire.

Tout au fond, la plaine du Pô, mais ici, déjà 2550m d'altitude
Tout au fond, la plaine du Pô, mais ici, déjà 2550m d’altitude

Comme je m’y attendais j’ai commencé à me sentir mieux une fois venues les pentes, d’abord assez clémentes, puis bientôt au-dessus de 9% pour ne jamais en redescendre avant San Magno, à 10km de sommet, où l’on trouve un petit replat. S’il y avait encore quelques signes de vie jusqu’ici – notamment 5 ou 6 travaux de voirie qui m’ont obligé à poser pied à terre plusieurs fois – je n’ai dès lors plus croisé personne, jusqu’à mi-pente de l’autre versant, pas une voiture, pas un cycliste – un seul, en fait, est passé en sens inverse pendant ma pause au sommet. La végétation a disparu peu de temps ensuite, puis je me suis finalement engouffré dans le nuage que j’apercevais de loin au pied. A deux kilomètres du sommet, au niveau du Colle Esischie, la troisième face redescend au nord et j’ai dû de consulter le GPS pour ne pas me tromper. Le ciel bleu a miraculeusement point à deux cent mètres du sommet : le nuage était bloqué sur ce versant mais de l’autre côté, soleil radieux.

Je suis venu du nuage, et je repartirai vers le soleil
Je suis venu du nuage, et je repartirai vers le soleil

Dans la descente, la vitesse est limitée à 20km/h. Je n’ai pas tardé à comprendre pourquoi : tous les cent mètres, des marmottes traversent sous mes roues pourtant au comble de la prudence avec mon demi-frein : des grosses, des petites, des familles entières… On pourrait trouver ça sympa mais c’est en fait extrêmement dangereux : je me suis bien vu mourir une ou deux fois. Malgré ma débauche d’énergie de la veille, je n’avais quasiment rien mangé jusque là, mais j’ai profité de la quinzaine de kilomètres de transition pour avaler quelques gâteaux et pâtes de fruit. J’ai constaté qu’il me restait encore de la force : j’ai donc attaqué motivé mon retour vers la Lombarde avec 140km et 5h30 de selle.

Dès le pied, j’ai trouvé mon rythme de croisière, et j’ai rapidement conjecturé que j’allais pouvoir le tenir à peu près jusqu’en haut si je m’alimentais bien. J’ai pris du plaisir à gérer mon effort comme un contre-la-montre très en-dessous du seuil. Mon hypothèse s’est avérée exacte : j’ai simplement pris deux gels au niveau des replats, et le manque de sucre ne s’est finalement fait ressentir qu’à 2-3km du sommet, alors qu’il ne restait plus que du faux-plat. J’ai signé le 8e temps d’ascension à un peu plus de 16km/h de moyenne, ce qui est plutôt encourageant après 16h de selle en l’espace de 33 heures. Le corps humain a des ressources remarquables ! J’avais déjà remarqué en mai que j’étais capable d’enchaîner deux sorties de plus de 220km et finir en travaillant pas si loin du seuil de puissance dans la dernière heure. Et heureusement que je n’ai pas défailli dans la montée cette fois, puisque il faisait nuit presque noire quand j’ai retrouvé la France au terme de 7h de selle.

Mercredi 5 août : Col de Turini ouest, col de Tende, col de Brouis, Col de Turini est

Direction cette fois-ci le sud des Alpes-Maritimes, avec comme objectif de remonter la vallée de Tende jusqu’au col du même nom. J’ai déposé la voiture peu après Saint-Martin-Vésubie, sans penser qu’il restait encore 10 kilomètres de vallée avant le pied du col. Sans problème pour le moment, puisqu’ils étaient largement descendants… Dès le pied de Turini, j’ai bien été obligé de constater que le corps était encore un peu endormi et que je commençais à accuser les charges. Je suis monté un peu comme un robot, en-dedans, mais en profitant de la vue toujours plus haute sur la Provence environnante. Le sommet, à 1600m, est encore allègrement parsemé de conifères, même si l’on aperçoit la limite un peu plus haut vers le massif de l’Authion. J’ai déjà ressenti le besoin de manger du sucré avant la longue descente vers Sospel, après à peine une heure et demie de route.

Pour rejoindre la vallée de Tende, j’ai choisi un petit crochet vers l’italie, que je croyais plus ou moins plat, mais j’ai en fait dû encaisser une succession de petits cols avant de retrouver une rivière à remonter. Un incendie s’est déclaré peu de temps auparavant sur la frontière visiblement, et je me suis demandé qui de la France ou de l’Italie prenait l’initiative dans ce cas de figure. La remontée de la vallée vent de face jusqu’à Tende a été interminable sur une route passante, malgré le décor agréable, et l’abondance de tunnels et de trafic jurait souvent avec le caractère des petits villages régulièrement perchés sur les hauteurs. Difficile à dire où a débuté le col, puisque la pente est simplement devenue de plus en plus prononcée avec les kilomètres, jusqu’à présenter quelques lacets à l’abord du tunnel. L’approche de celui-ci est d’ailleurs marquée par une interminable file de voitures qui attendent que le feu passe au vert tous les quarts d’heure environ… Mais moi, je suis passé sur le côté l’air de rien, privilégié que je suis.

Les lacets de Montvernier font pâle figure à côté de ceux de Tende
Les lacets de Montvernier font pâle figure à côté de ceux de Tende

La récompense de cette interminable vallée pointait enfin juste devant moi : le méconnu (pour changer) col de Tende, et ses… 47 lacets en 7 kilomètres. De quoi faire passer la “remarquable trouvaille” de juillet par ASO, les Lacets de Montvernier, pour de la camelote ! Seule ombre au tableau, après 3 ou 4 kilomètres d’ascension, la route disparaît et laisse place à un chemin dans un état très médiocre. Il s’en est souvent fallu de peu pour que je ne sois contraint de poser pied à terre… Jusqu’à deux cent mètres du sommet, où un éboulement ne m’a plus laissé le choix. Côté italien, on retrouve une route tout à fait asphaltée. Au terme de la montée, je comptais 107 kilomètres et près de 5h de selle. Et surtout, il était déjà presque 18 heures… Autant dire qu’il n’allait pas falloir chômer pour le retour.

Heureusement, la descente a été beaucoup plus rapide que la montée et je me suis très vite retrouvé dans le col de Brouis pour basculer de nouveau vers Sospel. A mon grand regret, je savais déjà qu’il m’allait falloir tirer un trait sur la montée de l’Authion que je comptais rajouter à celle de Turini, et de me contenter d’une nouvelle ascension à vive allure. Heureusement, l’organisme s’habitue vite aux efforts et je n’ai pas flanché dans Turini par le versant sud, signant même le 4e temps à pas loin de 19km/h de moyenne. C’était tout juste ce qu’il fallait, car en haut, la montre indiquait 21h10 et le soleil avait déjà disparu depuis longtemps derrière le massif voisin. Je n’ai pas croisé une seule voiture dans la descente, mais en revanche, la nuit aidant, j’ai eu droit à mon lot d’oiseaux inconscients et de lapins suicidaires. A partir de La-Bollène-Vésubie, puis dans la vallée, j’ai été contraint de laisser mon portable en mode lampe dépasser de ma poche arrière pour me faire signaler aux véhicules. J’ai fini par identifier ma voiture aux alentours de 22 heures, après 8h45 de selle et 216 kilomètres, que j’ai d’ailleurs failli ne pas apercevoir dans le noir complet…

Jeudi 6 août : Col de la Moutière, Cime de la Bonette, Isola 2000

L’objectif de la 5e journée était le Col de la Moutière, petit joyau des Alpes-Maritimes totalement éclipsé par son grand frère de la Bonette. Il présente pourtant une pente autrement plus difficile, avec ses dix derniers kilomètres à 8,8% de moyenne. Mais voilà, son sommet se situe 400 mètres en contrebas, à “seulement” 2445m d’altitude (bien qu’il reste tout de même le 6e col routier le plus haut de France), et surtout, seul un de ses versants est asphalté, avec lequel il partage d’ailleurs les premiers kilomètres de son grand frère. Cela n’allait toutefois pas m’empêcher d’effectuer une boucle, puisqu’une piste en assez bon état relie le Col de la Moutière avec celui de Restefond à quelques hectomètres du sommet de la Bonette.

J’ai tout de suite compris, dès la remontée de la vallée de la Tinée, que j’allais avoir du mal à me réveiller ce jour-ci. Tant pis pour les records, je commence à être à bout, et je préfère éviter me de faire souffrir inutilement pour plutôt profiter du paysage. Les premiers kilomètres de la Moutière sont communs avec ceux de la Bonette, mais c’est plutôt la route de la Bonette qui quitte celle de la Moutière, en direction de Saint-Dalmas-le-Selvage. C’est à partir de là que l’ascension commence véritablement. La route n’est ni trop étroite ni trop large, comparable à celle de la Cayolle qui est pourtant un col routier beaucoup plus important. Le trafic, en revanche, est bien moindre. Je n’ai croisé qu’un cycliste, allure rétro assis sur un rondin en attendant que le temps passe. Ici, les gens ne sont pas aussi pressés que dans la vallée voisine… Et il valait mieux d’ailleurs que je ne le sois pas non plus, car les jambes ne répondaient plus du tout.

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Depuis la Cime de la Bonette, on aperçoit clairement les trois derniers kilomètres de celui de la Moutière, qui se situe à droite, 450m en contrebas.

La pente, d’abord régulière, devient plus achée dès lors qu’on arrive à hauteur du plateau de Sestrières et que les feuillus disparaissent pour laisser place aux conifères, puis aux arbustes et enfin aux cailloux. Ici, je n’ai pas de scrupules à m’arrêter sur le bord de la route pour prendre de l’eau directement dans les quelques torrents en fin de vie qui longent parfois la chaussée. Les derniers kilomètres donnent l’impression de ne pas monter car la route serpente à peine en progressant tout droit, marquant simplement quelques virages incomplets mais pourtant, certains petits murs dépassent les 13 ou 14%. Le sommet point finalement, mais ce n’est dans les faits qu’une étape intermédiaire, puisque la route progresse encore avec du bitume sur quelques hectomètres, jusqu’à rejoindre la piste de Bayasse, qui allait me permettre de rejoindre Restefond et la civilisation. Trois kilomètres de calme absolu, avant de revenir dans la cohue absurde de la ligne des crêtes de la Bonette. J’ai bien évidemment poussé jusqu’à la Cime : se contenter du col alors que la route poursuit, ce serait un peu comme tricher, tout de même.

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Tout à droite, le col de la Moutière ; puis la piste qui rejoint Restefond d’où est prise la photo, puis le col, et enfin la Cime de la Bonette, tout en haut.

Le retour jusqu’à Isola et la montée de la Lombarde n’a finalement pas été bien plus efficace que dimanche, puisque je me suis de nouveau hissé là-haut en à peine plus de 12km/h de moyenne. Les 2000m de dénivelé de la Moutière et de la Bonette n’ont pas suffi à chauffer un organisme qui a commencé à tourner sur la réserve. J’aurais aimé savoir si je pouvais pousser davantage le lendemain, sur les pentes des cols de Vars, d’Izoard et du Parpaillon qui attendront leur tour, car la propriétaire a abîmé ma voiture stationnée en reculant trop loin pendant ce temps-là. La dernière journée a donc été consacrée à d’autres préoccupations…