Cape to Cape : la Péninsule de Noto
Cape to Cape : la Péninsule de Noto

Cape to Cape : la Péninsule de Noto

Être guide, ce n’est pas se promener sur son vélo à 20km/h et raconter des histoires sur les lieux que l’on traverse. J’en serais bien incapable, je reste encore trop ignorant face à cette culture si éloignée de celle de mon éducation. C’est surtout prendre en charge toutes les tâches qui peuvent alléger les clients d’une manière ou d’une autre, autrement dit, les plus pénibles. Recharger les GPS, s’occuper des rangements, être présent au moindre problème, prendre en charge les tâches administratives… Être efficace dans ce genre de travail demande une certaine organisation et surtout une certaine expérience, et bien heureusement, je suis encadré par deux guides formidables pour mon premier travail : Daisuke et Saori, deux jeunes guides charmants et décontractés qui remplissent leur fonction à merveille et ne m’en laissent que les miettes. Quant à moi, on m’a attribué l’accompagnement sur le vélo, ce qui n’est pas toujours une tâche facile à remplir quand on découvre les parcours en même temps que les clients.

Jour 1 : Kanazawa – Shika, 92km

Notre périple de neuf jours nous emmenait d’abord tout autour de la péninsule de Noto, une protubérance importante sur la côte nord du centre-japon, longue de tout de même plus de 150 kilomètres. Pendant trois jours, à peu de choses près, nous avons donc longé la côte par des routes remarquablement calmes, peu de monde n’ayant d’intérêt à s’aventurer aussi loin au nord, sauf les gens dont il s’agit du « jimoto » (地元, littéralement terre origine), nom donné au lieu duquel sont originaires les gens. Cette première journée a donc une été mise en bouche d’environ 90 kilomètres plats, sauf quelques falaises en fin de parcours, et une circulation encore assez importante en début de parcours, notamment au moment de quitter Kanazawa. J’ai découvert le fonctionnement de l’équipe en même temps que les clients : nous recevons une carte le matin avec les points d’intérêt, le profil et le programme de la journée. Plusieurs pauses sont en général prévues : un déjeuner après une heure et demie environ, le repas du midi un peu après la mi-parcours, puis diverses pauses touristiques plus ou moins officielles, chacun menant sa route selon son bon vouloir. Entre guides, nous nous répartissons les positions pour que l’ensemble du cortège soit accompagné.

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À force de longer le littoral de plus en plus près, nous nous sommes retrouvés sur la plage, sur une route nommée Chigihama Nagisa Driveway, une route nationale sans bitume, tracée à même le sable. De temps à autre, un charmant panneau rappelle les dangers propres à ce milieu un peu particulier. Nous avons déjeuné dans un restaurant de fruits de mer, face à d’impressionnantes sculptures de sable.20160930_113522_richtonehdr

La végétation a soudainement changé après la mi-parcours et nous nous sommes retrouvés dans des criques rocheuses rappelant la Bretagne, mais toujours avec des allures de jungle. La route, longtemps piste cyclable, s’est de nouveau escarpée dans le dernier tiers du parcours. Dans un japonais incompréhensible, un vieil homme nous a interpellés pour nous apprendre qu’il suivant le tournoi d’équitation qui avait lieu en ce moment à Paris, et que j’avais fortement intérêt à soutenir le cheval français, mais que le cheval japonais était imbattable.

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Le dernier bout droit en descente nous a amenés à notre hôtel, un Ryokan traditionnel où l’une des serveuses nous a fait l’honneur de plusieurs danses en tant qu’entraînement pour le festival du lendemain, et la mère de la patronne, celui de nous jouer et de nous faire essayer le Koto, instrument traditionnel de base de la musique japonaise. Ces étapes sont toujours un plaisir immense, pour moi comme pour les clients, car nous sommes immergés dans la culture japonaise, accueillis avec beaucoup d’attention dans une atmosphère totalement détendue.

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Jour 2 : Shika – Suzu, 133km

Nous sommes repartis du point que nous avions atteint la veille, avec pour objectif cette fois-ci d’atteindre le point le plus éloigné de la péninsule de Noto. Les bourgs se sont amenuisés et le terrain encore davantage escarpé, avec un petit col après 40 kilomètres de course. Mais avant cela, nous nous sommes arrêtés pour visiter le Temple Soji, l’un des deux temples fondateurs au Japon de la branche du bouddhisme la plus connue, Zen. En restauration, nous n’avons pas pu découvrir le bâtiment principal, mais par chance, nous sommes arrivés au moment d’une prière des moines bouddhistes, qui ont chanté leurs paroles sacrées dans leur uniforme traditionnel.

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Je me suis occupé des clients les plus rapides dans le col, et nous avons rapidement atteint la côte nord de la péninsule de Noto, la plus escarpée. Frappée droit par un soleil étincelant, l’eau changeait de couleur au gré de la matière de ce qui trouvait au fond sans la moindre impureté. La route a continué à suivre le long des falaises avec un grand dénivelé pendant plusieurs dizaines de kilomètres jusqu’à atteindre la ville portuaire de Wajima, où mon équipe participera à une course dimanche prochain… Sans moi, puisque mon périple se terminera la veille à l’autre bout du pays. C’est ici où nous avons établi notre pause de midi, et où j’ai goûté le pain au chocolat d’une pâtisserie qu’on m’a désigné comme étant excellente. Et en effet, la viennoiserie valait bien un magasin français de grande tradition, bien qu’un peu chère (presque deux euros pour un pain moitié plus petit, mais c’est la taille japonaise).

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La côte nord est parsemée de terrasses où l’on fabrique du sel, mais ne ressemblent en rien à nos marais salans : sans eau ou presque, elles se limitent à sept ou huit parcelles par établissement, parfois tenues par de simples paysans, comme s’il s’agissait de simples champs. À cette occasion, nous avons goûté la glace à la vanille salée, et j’en suis ressorti avec un bon souvenir, même si je ne suis pas certain de savoir si ce n’était pas plutôt à cause de la chaleur.

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Les derniers kilomètres ont été les plus agréables malgré la distance et les heures de selle qui se sont fait de plus en plus pesantes, car le soleil s’est couché juste après notre arrivée dans le bourg de Suzu. L’art est omniprésent pour qui sait regarder le Japon avec le bon œil, comme ces formidables épouvantails, passion probablement du paysan voisin ou de sa femme : plus d’une cinquantaine se succédaient avec des tenues et des visages plus farfelus les uns que les autres.

L’établissement du soir, un nouveau Ryokan traditionnel entièrement décoré par le mari de la propriétaire, hébergeait aussi des pêcheurs ainsi que des voyageurs de la région venus pour participer au festival du village de Suzu, qui par chance, était organisé dans la soirée. Après avoir apprécié la performance des danseurs et des chanteurs locaux, nous avons été invités à apprendre cette danse et à y participer à notre tour avec les autres habitants du village. Malgré la fatigue de la longue étape, tout le monde s’est pris au jeu, et je suis resté danser jusqu’à la fin du festival, avec une nouvelle nuit assez courte mais des souvenirs magnifiques.

Journée 3 : Suzu – Wakura Onsen, 103km

Au vu des nombreux villages de pêcheurs, je ne suis pas étonné d’avoir mangé du poisson à tous mes repas, même si je commençais à saturer un peu du fruit de mer dès le petit déjeuner. Au final, nous n’avions qu’un petit bol de riz comme véritable énergie. L’étape était heureusement plus courte le lendemain, et nous avons longé pour la troisième fois la côte de la péninsule de Noto. Après avoir effacé le cap le plus éloigné la veille, nous entamions notre redescente sur le côté ouest. Plusieurs petits îlots plus surprenants les uns que les autres se sont enchaînés, avec notamment l’île Mitsuke et sa charmante mascotte Mitsuketarou-kun (Tarou est un nom de famille classique, et kun le suffixe par lequel on appelle les jeunes garçons), que j’ai pris pour une pomme de terre au premier abord, mais dont vous devinerez sans peine ce qu’elle représente.

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Sur le dernier tiers du parcours, nous avons sauté quelques kilomètres sur l’île de Noto, le territoire complètement détaché de la péninsule, si ce ne sont les deux ponts qui nous ont emmenés jusqu’à Wakura Onsen où se trouvait notre Ryokan pour l’après-midi. Longs de plus de deux kilomètres chacun, ils nous ont offert une vue plongeante sur notre destination d’un côté, et sur les montagnes que nous aurons à traverser dès demain de l’autre côté.

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Nous quitterons donc la péninsule de Noto après une soixantaine de derniers kilomètres avant de retrouver les terres du centre-Japon et la préfecture de Gifu. Place d’abord à l’étape la plus longue du séjour, programmée à 170 kilomètres, avec un sommet à plus de 1200m d’altitude dans le final. Ce sera un jour important pour moi en tant que guide, puisqu’il faudra accompagner les clients dans toutes les circonstances, répondre à leurs besoins et ne pas faillir sur le vélo quelles que soient mes missions. Cependant, rien ne remplace le fait d’être au cœur de l’action. Le lendemain, nous atteindrons le point culminant du Japon, au Mont Norikura, à plus de 2800m d’altitude !