Un dernier coup d’oeil sur le cardio. 113 puls. Pourtant, je suis confortablement assis, au fond de ma selle et les mains dans le creux du ceintre. C’est le stress. Je relève la tête et fixe la main ouverte en face de moi. Elle se baisse. C’est le signal, je donne tout sur le démarrage, les vitesses passent dans un grad fracas. Premier virage à 50km/h, première relance, le coeur n’est pas encore monté et je profite de cette dernière sensation de liberté… Déjà l’acide lactique commence à monter. Déjà la route tourne à nouveau et déjà le vent me freine… De 60, je tombe à 46km/h. Premier coup d’oeil en arrière. Il y a un trou… Mais pas assez grand. Je me sens fort pourtant, et la douleur ne monte pas tant que ça. Merci matrix… Je regarde droit devant maintenant et me concentre sur l’effort. Je ne prends pas les virages au mieux mais relance bien derrière. Deuxième coup d’oeil entre deux virages. Il n’y a personne. Ah si, ça arrive. Nez dans le guidon… Ca va bien finir par péter… Non, derrère ça s’organise. Au milieu de la ligne droite tout le monde est un pa un, mais tout le monde est ensemble. Personne ne peut en remettre une mais j’en avais peur, alors je reste devant et maîtrise. Premier échec… L’an passé j’avais fait deux tours en tête, ça commence mal.
Pendant trois tours, rien ne s’organise vraiment et je me retrouve souvent a garder un rythme… C’est au 4e tour que les offensives reprennent vraiment avec l’attaque d’Anthony Laubal. Par consentement mutuel, on décide de ne pas y aller. Il prend une dixaine de secondes, et plafonne. Le tuor suivant c’est Adrien qui y va. Je ne roule pas, mais ça revient le tour d’après. Là, je contre. Petit trou qui est vite rebouché, par un groupe de coureurs plus petit déjà. C’est bon signe, y’a moyen de faire exploser tout ça. Mais on est trop juste pour vraiment s’organiser et c’est déjà dans les roues.
Un tour pour que tout rentre en ordre. Et puis bruit de vélos. Ca y est, je me dis Thib s’est encore ramassé. Je me retourne et le vois un peu plus loin : c’est bon. Thib remonte devant. Je décide de laisser un trou, personne ne le bouche. Dans ma tête, je sais quil va y aller à fond. Un vaudais y va avec un temps de retard. Ma seule peur était qu’il emmène tout le monde avec lui, mais non. Au début, je ne pensais pas qu’il allait pouvoir apporter de soutien à Thibaud, mais pour moi ça ne pouvait être qu’une bonne carte. Ils prennent quinze secondes, et là change complètement mon approche de la course.
Les contres s’enchaînent. Mais en on chien de garde je saute dans la roue de chaque téméraire, avec beaucoup de facilité. Je suis content de mes jambes, tout va pour le mieux et la moyenne cardiaque est basse, même avec les accoups et le vent que je cotoie pas mal. A ce moment de la course l’échappée était pour moi un excellent outil stratégique, et jattendais avec impatience le contre. Et dans un coin de ma tête, je savais que l’aventure était réalisable. Ce genre d’échappée insensée, je le connais bien. Moi à l’arrière, Thibaud à l’avant, aucune possibilité de conact. Chacun faisait son boulot au mieux, moi freinant, lui accélérant. Parfois, pas besoin de se parler pour se comprendre.
Je m’aperçois que Mathieu a disparu. On passe un accord avec Valentin pour ralentir tout ça, chacun y ayant intérêt. A la mi-course, ça va de mieux en mieux. On commence à perdre le point de mire, puis la direction de course. Derrière, après s’être agitée un peu à cause des Jury, Serurier, Sauvage, Cotsos, Tona et autres Frison Roche, la meute se calme et l’échappée commence à prendre réellement le large. Beaucoup commencent alors à courrir pour la 2e place. Sauf LSE dont la tactique commence à m’agacer. Car le retour de Mathieu devant aura été le point de bascule. Du coup, Valentin et Mathieu se sacrifient un peu, ça me fait chier que ça soit eux au regard de tout ce qui est au fond du paquet et dont on a pas vu le bout du maillot… Valentin pose un sac, je saute dans la roue. Il embraye sur un gros kilomètre, puis e relève mais personne ne passe, alors un peu plus tard Mathieu fait exactement la même chose… Et c’est comme ça qu’on passe d’1’45” de retard à 20″…
Je sais encor que tout est possible mais que ça va être difficile. Je sens le truc venir gros comme une maison : on va encore se faire avoir comme des cons. Mais je persévère en jouant la carte du bluff à fond, et préparant l’éventuel contre. Hereusement, de mon côté au moins les jambes sont là et je me sens intouchable. Je suis réactif et personne ne me décolle de la roue sauf Rémy sur une ou deux attaques. Bientôt l’avance remonte, lentement mais surement, pour tourner dans les 5 derniers tours entre 20″ et 40″. La peur au ventre, je me force à ne pas réfléchir.
Le rythme augmente. La meute est de plus en plus difficile à contenir. La cloche me surprend et je n’y crois plus du tout. Il reste quinze… Vingt secondes à tout casser. La ligne droite de l’arrivée est extrèmement longue. Et devant on commence à voir poindre des maillots transparents jusque là : Tarare. Je me concentre sur mon sprint. Je vois Mathieu et Valentin remonter roue dans roue, je me dis que c’est l’occasion à ne pas louper et prends la roue de Valentin en poussant un peu Rémy. Mathieu se sacrifie. Il reste 700, 800m. Il roule à fond et Valentin l’encourage. Au détour d’un virage on voit l’échappée à portée de main. Je gueule de toutes me forces, à la fois pour encourager Thibaud, déconcentrer mes adversaires et m’encourager moi, aussi, un peu. Quelque part, je sais que c’est l’un de nous deux qui va gagner. Dernier virage. Plus que Thibaud devant. Mathieu s’écarte après avoir tout donné. Valntin déborde à gauche, moi à droite. Sur le démarrage je vais plus vite que lui. il reste 250m et Thib est toujours devant. sur une centaine de mètres, je donne tout ce que j’ai. Je me retourne, j’ai fait un gros trou et le sprint du peloton est gagné. Je regarde devant moi. Je réfléchis très vite. Thibaud est encore devant et se dépouille jusqu’à la ligne. Il n’a plus que dix mètres d’avance. C’est fait. Je lève les bras et geule de tous mes poumons. Puis j’entends le souffle d’une Zipp à droite et me rassois en vitesse pour donner un dernier coup de rein, Rémy ne me passera pas. Doublé. J’ai du mal à y croire.
Maintenant, je sais que le deuxième n’est pas toujours le premier des perdants.