
De la veille au lendemain, il s’écoule parfois plus d’une nuit… J’ai appris enfin ma sélection pour la 4e manche du challenge national, la dernière, celle après laquelle je courais depuis le début de saison. J’ai fini par la rattraper à la veille de ce qui devait être ma dernière course, lorsque je m’y attendais le moins. Mieux vaut tard, comme on dit. Et si alors, le dernier jour de la saison était en fait le premier ? Il me reste deux semaines pour être prêt le jour J, le 11 septembre. C’est peu pour préparer un rendez-vous mais cette possibilité était quand même inscrite sur l’agenda, au cas où, même si je n’y croyais plus. J’ai donc complètement changé d’état d’esprit au départ de Pommiers et je cours aujourd’hui le premier jour de ma saison 2011, c’est décidé.
Je connaissais un peu cette course, comme je connais la majorité de celles que mes proches ont couru les années passées. L’an dernier, le vent avait fait la course et Alexis Romeder avait réglé au sprint une échappée de 10 devant Landry, dans laquelle on retrouvait déjà un cadet… Romain Faussurier, 8e. Et puis derrière, le syndrome Moncorge, premier des battus comme souvent, mais premier, comme toujours : 11e.
C’est de ce constat que je compte construire ma course. Le parcours est un triangle, que je n’ai même pas pris la peine de repérer, de 4km environ. Avant l’arrivée, une petite cuvette fait office d’unique dénivelé, mais cette année encore c’est le vent qui restera la difficulté, malgré qu’il ne souffle… quasiment pas. Seulement les lignes droites sont tellement longues, les champs tellement dégagés qu’on en sent un quand même ; et suffisant pour défigurer la course.
Tout le monde sent qu’une échappée va partir rapidement, même si personne ne sait exactement quand, et là est le problème. J’opte pour un compromis : je vais dans deux coups sur trois. Les deux premiers avortent, puis les suivants aussi : jusqu’à ce qu’un groupe de 8 se forme un peu comme par magie et résiste plus longtemps que les autres, c’est à dire un bon tour entier. Avec le vent, 20 secondes d’écart et on a l’impression qu’en une attaque, on est rentré. Or malgré que le peloton ne se décourage jamais vraiment on ne reverra pas ce groupe avant… 3 tours de la fin !
A la mi-course environ, je prends un groupe de contre un peu plus résistant lui aussi, nous sommes cinq, ou six. Une dizaine de coureurs, les plus costauds, viennent grossir nos rangs et raccourcir nos relais et bientôt, le reste de la course se trouve définitivement éliminé : nous sommes une petite vingtaine contre les 8 de tête et l’écart maximal de 45 secondes retombe lentement, très lentement à 30, puis 25, puis 20 secondes…
Le regroupement général apparaît depuis longtemps imminent mais il faudra attendre ces fameux trois derniers tours. Le regroupement est toujours un moment clé d’une course, je le sais bien. S’il y a une chance à tenter, je suis prêt à la saisir. Devant les 8 sont à cinquante mètres à peine et je vois l’insatiable Benoit Bouchet tenter de sortir juste avant qu’on ne revienne sur eux. Il est poursuivi par Philippe Moreau qui le rejoint. Lorsque l’opportunité se présente, je place une attaque juste avant qu’on n’avale le reste du groupe, à bloc pour recoller, ce qui est chose faite au bas de la courte descente. Sur la ligne nous sommes donc trois échappées, et il reste 3 tours entiers avant l’arrivée. Bluff ou pas bluff, Bouchet et Moreau sont à bloc et ne passent pas ou peu de relais, mais jouent le jeu quand même. J’ai de la chance, ce n’est pas le genre de personnes à ratonner. J’accepte donc d’en faire un peu plus, mais contre le vent à pas tout à fait 3 contre plus de 20, la partie tourne court rapidement et notre tentative échoue.
Moment critique, je n’ai plus le courage d’y retourner quand ça attaque. Dans un premier temps, rien ne sort. Puis après le passage suivant sur la ligne, l’attention du groupe se relache, et cinq coureurs partent de nouveau en facteur. Je n’y suis pas allé. Willy Marandola, Philippe Moreau et Benoit Bouchet de nouveau, Ghislain Boiron et l’estonien Mihkel Raïm grapillent du temps, les relais tournent rond, si bien qu’au début de la ligne droite interminable à l’opposé du circuit, ils ont une grosse dizaine de secondes d’avance qui parait déterminante.
Alignés sur la droite de la route par le vent comme toujours, quelqu’un passe son relais en s’écartant à gauche, que personne n’a envie de prendre. Sans me mettre en danseuse je relance à bloc en poursuiteur le long de la bordure droite. Je creuse le trou puisque le vent vient de gauche, et je me retrouve en chasse patate, compteur à 36km/h vent trois-quart face, mais en bas et regard posé sur les cinq de tête. Je sais que ma seule chance de revenir est de revenir tout de suite, puisqu’à 5 contre 1 dès que je flancherai, ce sera perdu. Heureusement, je ne réfléchis pas trop, car avec le recul ce que je venais de faire ressemblait fort à une opération suicide. Pourtant après un sprint en apnée de 200m environ, je recolle à la roue du dernier des cinq, exactement à l’autre bout de la ligne droite. On reprend le vent de dos et je peux de nouveau respirer, puis après 3-4 relais sautés, je suis en mesure de faire ma part de travail. Je commence à réaliser le numéro que j’ai fait : derrière le contre est à 30 bonnes secondes maintenant !
La cloche sonne bientôt le dernier tour et on ne se désorganise pas pour autant, c’est une échappée de guerriers, ça fait plaisir à voir. 3 des 6 de tête étaient déjà dans la toute première, celle qui s’est formée il y a plus de 2h ! Pour la victoire, je sais que ce sera trop compliqué. L’estonien paraît invincible, et si ce n’est pas lui, ce sera Ghislain Boiron le pistard, car on finira groupé, ça ne fait plus de doute. Je me méfie quand même dans le dernier kilomètre de Benoit Bouchet comme de la peste, et avec raison puisqu’il tentera de se la faire tout seul. Philippe Moreau le contre en haut de la descente, il reste 700m. En dernière position, je pense avoir gaffé puisque je n’ai le temps de remonter que deux coureurs dans la courte descente pour virer au pied de la bosse en 4e position, le sprint déjà lancé car Moreau poursuit son effort. Je rate mon virage. Mais je tente d’aller décrocher le podium. En plein sprint, voilà ce qui peut passer par la tête : première image, le viking qui produit son effort à droite. Analyse : voilà déjà le vainqueur. Seconde : Moreau est débordé, analyse : je vais terminer 3e ! Je me concentre sur mes pédales et j’écrase de toutes mes forces. Ma surprise est immense quand je me retrouve bien obligé d’admettre que je remonte tout le monde. Complètement inattendu, j’ai le temps de lever les bras !
Je viens de remporter une course de 2e catégorie, alors que la veille, je n’étais pas parvenu à simplement suivre le peloton. Ce n’est pas une victoire anodine ni innocente, j’ai vraiment été la chercher, l’épisode du retour seul sur l’échappée le montre bien. Ce genre de chose que je n’avais pas le recul, ni la force mentale, ni plutôt les couilles de faire. Il me reste donc deux semaines de course pour rattraper ma saison 2011. La tache parait difficile, mais tout a tellement changé, je veux finir en boulet de canon !
1. Bossis Tom (EC Pierre Bénite) J1
2. Raïm Mihkel (SJK Viiking) J2
3. Moreau Phillipe (VC Mions) 2
4. Boiron Ghislain (EC St Etienne Loire) 2
5. Marandola Willy (EC Montmarault Montluçon) 2 à 4″