#35 1.14 le Signal d’Êcouves
#35 1.14 le Signal d’Êcouves

#35 1.14 le Signal d’Êcouves

            Après un week-end de repos bien nécessaire au sortir d’un Tour du Valromey épuisant, sonne l’heure de la reprise, sur une course qui me tient particulièrement à cœur, le Signal d’Ecouves. Mon père habite en bordure de la forêt d’Ecouves depuis bien avant mes débuts dans le cyclisme, et je connais cette forêt par cœur depuis que je l’ai arpentée en long, en large et en travers pendant 6 ans à chaque vacance. Située à l’extrême sud de la Normandie, cette forêt n’est pas comme les autres ici, puisqu’elle culmine à 415 mètres à hauteur du fameux signal, une altitude rare que seul supplante le Mont des Avaloirs, quelques kilomètres plus loin. Par conséquent, de par sa topographie inhabituelle dans cette région cette course s’est bâtie au fil des années une réputation et un palmarès enviables, et se veut être une « course de grimpeurs », ce qui bien sur, peut paraître risible lorsqu’on sort du Tour du Valromey. Malgré tout, c’est une course qui est appelée à prendre une autre dimension par le futur, comme le marque son inscription au calendrier du Challenge National 2013.
            Je sais que je ne suis qu’au début de ma préparation pour les championnats de France, et que venir pour gagner dès la reprise peut paraître ambitieux. Néanmoins les championnats arrivent très rapidement, plus que deux semaines et demi, c’est pourquoi je dois déjà être dans le rythme, et cette course fait figure de terrain idéal pour évaluer ma condition, et le travail qu’il me reste à faire d’ici là.
            La course se décompose en deux secteurs distincts ; le parcours en ligne de 75km à travers la forêt d’Ecouves elle-même, puis après un retour sur Alençon, il faut couvrir deux fois et demi une boucle de 16 kilomètres empruntant la côte de Héloup, que les organisateurs ont placé à 4 kilomètres de l’arrivée. Au départ sont présents une grosse centaine de coureurs avec quelques comités départementaux et plusieurs pointures du grand nord de la France, idéal pour mesurer la force de ses adversaires si proche de l’échéance des championnats.
            Le départ fictif en plein centre ville d’Alençon part dans tous les sens, l’organisation est totalement débordée, et le peloton devra s’arrêter trois fois de suite avant de partir pour de bon, à la sortie de la ville. Le peloton est assez compact mais l’allure plutôt élevée, et avant la première difficulté, je sais que j’ai 4 ou 5 kilomètres pour remonter. Dans un premier temps, coincé à droite avec un vent trois quart gauche, ce n’est pas évident. Mais je connais très bien la route et compte sur une portion où la chaussée goudronnée s’élargit pour me faufiler sur la droite, et retrouver par la même occasion la tête de peloton. Je m’emballe un peu lorsque j’aperçois de gros coureurs comme Turgis ou Cowley se mêler aux attaques incessantes. Quelques groupes sont entrain de se former, avec chaque fois beaucoup de coureurs, mais je sais que la course ne peut pas se faire ici et je me résigne à suivre quelques roues pour éviter les trous, et rester placé avant qu’on ne tourne à droite, pour pénétrer dans la forêt d’Ecouves pour la première fois.
            Tous ces coureurs qui s’agitent n’ont pas idée de la longueur des côtes par ici, et comme celle-ci n’est pas répertoriée, peu savent probablement à quel point ça monte. Je les laisse donc s’agiter tout en restant placé dans les 15 premiers, je guette le moment idéal car je sens qu’une fois que tous les inconscients se calmeront, l’échappée ne sera pas loin de se former. Je ne me trompe pas et trouve une ouverture dans la roue de Vadim Deslandes, que je sais toujours très doué pour se retrouver devant. Nous sommes pour le moment deux ou trois coureurs à l’avant, et de visu, je ne vois pas d’écart important. Mais lorsque les coureurs derrière recollent à nos roues, ils nous encouragent à continuer : il y a bien un écart. Nous sommes désormais 12 en tête de course et compte tenu de la largeur de la route, le peloton se relève, et l’écart semble parti pour se creuser irrémédiablement.
            Me voilà dès le 10e kilomètre dans le premier groupe d’échappés sans vraiment l’avoir voulu. Comme l’an passé, je crois peu en les chances de ce groupe et je suis conscient que je vais devoir me freiner le plus possible, car la course s’annonce longue et menace plutôt de se jouer sur la fin. Preuve que je ne comptais pas me retrouver devant, je ne me suis pas échauffé et le paye maintenant à cause de ce départ très rapide, le cœur monte haut et je cherche un second souffle. Après le carrefour du rendez-vous, les premiers coureurs sautent quelques relais, alors que je commence à me sentir un peu mieux. Je reconnais à l’avant Vadim Deslandes, Quentin le Gall, le champion des Pays de Loire Adrien Lehoux, David Rivière, François Drouet, un de Rouen, un de Nantes, un du Maine et Loire et encore quelques autres que je ne connais pas. La pente se calme enfin définitivement après le carrefour de la Branloire et je tente d’organiser le mieux possible le groupe d’échappés sur cette portion qui peut nous permettre de creuser un gros écart, puisque la route ne s’élargit que très peu, reste toujours très roulante, et surtout ne connaît pas un seul virage jusqu’à la croix de Médavy. Quentin le Gall se fait déjà remarquer, en attaquant au kilomètre pour aller s’imposer en solitaire… Au premier point chaud. Voilà donc le premier passage au grand carrefour de la croix de Médavy, point central de la forêt d’Ecouves que l’on retrouvera dans une trentaine de kilomètres à l’occasion du premier grimpeur. On passe désormais à quelques mètres du fameux signal d’Ecouves avant de plonger dans la descente, par Fontenai-les-Louvets. Le groupe est déjà beaucoup moins volontaire, et nombreuses sont les portions où on se laisse glisser en roue libre… Je ne peux rien y faire malgré tout, et me contente de passer mes relais.
            Nous retrouvons la grande route de Carrouges et ses vallons incessants, où j’avais souffert le calvaire l’an passé. Je m’en souviens bien et je compte être bien plus prudent cette année. Je continue donc de cacher mon jeu, la course est très longue encore. Les premiers écarts nous sont donnés, et oscillent régulièrement entre 1′ et 1’20. C’est un écart intéressant mais qui ne devrait guère augmenter maintenant… Plusieurs fois, Le Gall, Deslandes et Rivière qui se disputent les rush les confondent avec de simples signaleurs. On a donc droit en quelques kilomètres à 3 ou 4 sprints plus ou moins disputés, ce qui m’amuse beaucoup puisque moi je sais où est placé le vrai, mais pas tant que ça, puisqu’à chaque fois, l’allure et l’entrain du groupe en pâtissent. C’est aussi une bonne occasion de jauger les forces et les volontés, certains sont très proches de leur limite, d’autres sont à l’aise et le montrent ; d’autres encore, et ceux-là sont plus dangereux, ne se sont pas vraiment découverts encore. Le ciel, de plus en plus menaçant, ne va probablement pas tarder à nous tomber sur la tête. A la sortie de Chahains, on attaque une succession de deux petits cols non répertoriés, entre 1 et 2 kilomètres. Je me doute que les autres ne les connaissent pas, je décide donc de m’en servir pour économiser mes forces en me laissant glisser à l’arrière du groupe. Je suis surpris par l’arrivée de la pluie, déjà… Que je n’avais pas vraiment anticipée. La descente est très prudente pour tout le monde et on y perd certainement beaucoup de temps. Je ne suis pas le seul à regretter le beau temps, la seconde petite côte en met plusieurs dans le dur, cette fois, les masques commencent à tomber. L’écart aussi. Je profite de la petite portion de récupération en longeant le bas de la forêt pour bien m’alimenter et lever le pied avant le premier grimpeur qui arrive très vite ; et après une petite accalmie, c’est l’apocalypse qui s’abat sur nous quelques minutes plus tard.
            Le premier grimpeur répertorié est le plus long de la journée. Je le connais par cœur pour y faire souvent mes séries d’intensités quand je roule sur ces routes, et il est largement assez exigeant pour le permettre. Tout le monde ici est sur la défensive et si l’arrivée était 20 kilomètres plus loin, je n’hésiterais pas à mettre le feu aux poudres. Seulement, la poudre est mouillée chez tout le monde et le premier kilomètre se fait au train, à allure très régulière, toujours au fil des relais comme si les autres n’acceptaient pas le fait que ça monte. Certaines individualités finissent par perdre un peu patience, comme David Rivière et François Drouet qui prennent inconsciemment à leur compte la montée, puisque personne d’autre ne s’y penche. Ce n’est que sur le sommet que la bagarre éclate, pour se partager les points distribués au sommet. J’en profite pour découvrir que mes sensations ont pris l’eau et que mes jambes n’aiment pas ça du tout. Je perds quelques mètres sur les 3-4 plus costauds du groupe, sans pour autant être à fond. La pluie chamboule mes plans et je suis de moins en moins concentré sur le scénario de course. L’eau que rejettent les coureurs de devant me saute à la figure et commence à force à me bruler les yeux comme si c’était de la lave. Le fait de remettre mes lunettes n’y changent rien. Tout au long de la ligne droite qui traverse la forêt sur le plateau, soit sur 3 ou 4 kilomètres, je ne suis plus concentré que là-dessus et c’est d’ailleurs un peu le cas pour les autres coureurs, du moins ceux qui restent, puisqu’il me semble que le groupe a diminué un peu.
            Au moment d’aborder enfin la partie descendante se présente un autre problème : je suis très gonflé, les trajectoires sont tendues, et même s’il n’y a qu’un seul virage et que je le connais très bien, je suis crispé, nerveux. Je suis trop prudent et dois parfois faire un effort plus loin pour bien reprendre les roues. Connaître le parcours reste néanmoins un avantage déterminant et au passage du bourg de Tanville en lisière de forêt, je sais que la route s’apprête déjà à remonter, pour rejoindre un peu plus haut le second GPM répertorié, celui dans lequel la course avait complètement explosé l’an passé, et avant lequel je n’avais pas su garder des forces. Le scénario se répète cette année mais l’échappée est toujours en tête et moi avec, aucun souci donc : ça passera.
            Deux opportunités s’offrent à moi : soit je reste sage dans les roues, placé, pour m’assurer d’être encore là lorsque la vraie bagarre commencera ; soit je persiste dans mon premier choix de jouer l’offensive, et je tente de faire exploser le groupe à la faveur du passage le plus raide. J’hésite un peu et trop peu confiant de mes sensations sous la pluie, je choisis la première. Sous l’impulsion de Wadim Deslandes, le rythme s’accélère et le groupe se casse à la faveur du passage le plus raide, mais se reforme ensuite, et je n’ose pas contre attaquer ; de toute façon, le peloton est là… Au fond de la ligne droite, je me retourne et pour la première fois, on peut apercevoir l’avant-garde du peloton en mille morceaux d’ailleurs, qui à ce rythme là, ne peut que se rapprocher. Conscient que l’échappée est condamnée, j’aborde la descente dans les dernières positions, et je ne remonte plus prendre ma part de relais.
            Un temps d’inattention à la fin de la descente lorsque je me relève pour enfiler mes manchettes m’éloigne dangereusement des roues que je n’arrive pas à reprendre tout de suite. Je panique un peu, je n’aime pas faire ce genre d’erreur et encore moins lorsque la course a lieu sous la pluie. De toute façon cette fois-ci, l’enjeu n’est pas important puisque le peloton nous reviendra dessus, peu importe quand. Lorsqu’on rejoint Fontenai-les-Louvets, on emprunte de nouveau les mêmes routes descendantes qu’au début sur quelques kilomètres mais l’allure n’est plus du tout la même. Maintenant, le groupe ne tourne plus ou presque, je ne suis plus le moteur du groupe, et l’écart fond à vitesse grand V, au lieu d’augmenter. De fréquents petits coups d’œil derrière moi m’apprennent que ce n’est plus qu’une question d’hectomètres. Et en effet, juste au moment de retrouver la route nationale en direction d’Alençon, une grosse vingtaine de coureurs revient sur nous.
            Ca y est, c’est la fin de la première échappée qui pour ma part, aura duré près de 60 kilomètres. Je sais que ce genre de moment est toujours déterminant. Je me donne cinq minutes pour retrouver mes repères, rentrer de nouveau dans ma course et repartir à la charge. Je fais le point : c’est un groupe de costauds, qui s’est dessiné je suppose à la faveur du dernier GPM. Tous les favoris dont je m’étais débarrassé en prenant l’échappée sont de retour. Tout le monde se regarde et le groupe n’est pas organisé du tout, il occupe toute la largeur de la route et chaque petite portion qui descend s’effectue en roue libre. La première attaque vient de quelqu’un dont je ne l’attendais pas du tout : le breton Quentin le Gall, qui était avec moi dans l’échappée. Il est tout de suite pris en chasse par le coureur du Team U Nantes Atlantique Axel Guilcher mais derrière, personne d’autre ne réagit. J’hésite une seconde en me disant que plus ce duo s’en va, plus il a des chances d’être le bon, et plus le rejoindre serait difficile. Je me décide à me jeter à leur poursuite. Une attaque ridicule, qui le donne la pleine occasion de constater que les jambes sont tout simplement vides. Mais le rythme est tellement faible que je parviens à creuser un petit trou quand même. Je donne tout pour rentrer tout de suite me disant que c’est maintenant ou jamais à 2 contre 1, mais ce n’est pas pour autant qu’ils m’attendent, et je ne reprends pas un mètre sur eux. Je suis surpris par le retour du normand Marc Fournier qui me passe cinq kilomètres heure plus vite et je dois sprinter pour prendre la roue. Les sensations se sont un peu débloquées mais je reste trois jambes en dessous du pistard de Saint Lô Pont Hébert qui, sur ce type de portion plate ou descendante, est carrément impressionnant ! Je mets toute ma bonne volonté pour le soulager un peu mais je ne prends qu’un tiers, voire un quart des relais. Il emmène 52*14 sur le plat voire en faux-plat montant, c’est-à-dire le braquet maximal. Je suis impressionné mais je relativise en me disant que c’est surtout moi, au contraire, qui suis dans une très mauvaise passe. Finalement, ce n’est pas un kilomètre que je mettrai pour recoller les morceaux comme je le pensais naïvement mais une dizaine !
            En effet, si nous reprenions régulièrement un peu de temps sur l’autre duo, eux ne nous ont pas attendus du tout et ce n’est qu’à l’entrée de la ville d’Alençon que la jonction est faite. A quatre devant, les relais tournent un peu moins souvent, mais toujours trop malgré tout. En revanche, le rythme se calme heureusement un peu, et je peux plus facilement compter mes cartouches pour ne pas disparaître tout de suite. Le comportement des autres m’agace un peu aussi, entre Quentin le Gall qui est une véritable pile électrique et le normand Fournier qui saute un relais, et prend le suivant 3km/h plus fort. Seul le nantais Guilcher semble avoir un comportement à peu près normal. De ce fait, le rythme n’est pas toujours plus régulier, et je dois serrer très fort les dents par moments lorsqu’ils me font monter les toxines un peu trop haut.
            Le premier écart qu’on nous annonce est supérieur à la minute. Cette annonce à pour effet de réduite un peu le rythme à mon plus grand bonheur, ce qui me laisse pour la première fois depuis la formation de l’échappée l’occasion de laisser souffler mes jambes endurcies par la pluie et les toxines. Nous sommes désormais depuis Alençon sur le circuit final qui a changé depuis l’année dernière : la boucle est plus grande, presque 16 kilomètres, et emprunte donc trois fois la côte de Héloup contrairement à l’an passé, la rapprochant ainsi largement de l’arrivée. C’est à cette occasion que sont jugés les deux derniers points des grimpeurs, puisque le passage suivant à 5 kilomètres de l’arrivée ne délivrera aucun point. Je me garde bien de jouer ce classement et je suis bien content de trouver là une opportunité de me refaire un peu. Et, sans doute grâce à la pente, je me rends même compte que les sensations sont de nouveau plutôt bonnes. Encore une fois, comme d’habitude, je souffre beaucoup les premières minutes mais dans une échappée, je redeviens plus à l’aise une fois le rythme stabilisé. C’est une belle occasion de repérer le final, puisqu’au sommet, on reprend une route droite et large qui promet d’offrir une situation très tactique. Puis, la route redescend enfin jusqu’à l’entrée de Saint Germain du Corbéis, en bordure d’Alençon, pour rejoindre la ligne d’arrivée après deux derniers kilomètres en très légère montée.
            La première demi-boucle s’achève lorsqu’on rejoint la route des faux-plats et cette fois, l’écart annoncé est nettement moins encourageant, plus que 40 secondes. Ce qui à mon grand malheur a le don d’énerver le normand Fournier et j’en suis quitte pour de nouvelles sessions de souffrance à chaque fois qu’il s’excite. Je serre les dents et tiens mon rang jusqu’à pied de la côte de Héloup. Et cette fois encore à ma grande surprise, la première attaque n’est pas l’œuvre des deux plus frais mais de Quentin le Gall qui est vraiment impressionnant. Je suis en dernière position et Fournier fait l’effort pour rejoindre le breton. Je laisse Guilcher tenter de boucher le trou mais il ne peut pas et je ne m’en rends pas compte tout de suite. J’y vais alors à contre temps. Mon attaque n’est pas assez tranchante et Guilcher s’accroche à ma roue. C’est au sommet que la différence d’à peine 15 mètres grandit irrémédiablement puisqu’à 2 contre 2, nous ne faisons pas le poids. On tente de boucher le trou au début, mais rapidement, Guilcher se résigne, et il en est bientot de même pour moi.
            Je m’en veux beaucoup d’avoir mal joué le coup lorsque les deux sont partis sur la portion où j’étais pourtant à leur niveau : j’aurais eu les moyens de les accompagner. Seulement, j’ai mal ressenti la fraicheur de mes adversaires et je croyais que les plus forts étaient Fournier et Guilcher. Maintenant, on peut apercevoir un autre groupe de quelques coureurs lorsqu’on se retourne. D’un commun accord, après la ligne à un peu plus de 10 kilomètres de l’arrivée, on décide finalement de se relever et de les attendre.
            Dans ce groupe, on retrouve des hommes frais que je n’ai du coup presque pas vus de la course puisqu’ils n’étaient pas dans la première échappée. Anthony Turgis semble être le moteur du groupe. L’accompagnent le coéquipier de Guilcher à Nantes, Thibault Ferasse, Fabien Grellier du VC Aizenay ainsi que le coureur d’Argenteuil Jérémy Lecroq. Mais je retrouve aussi un coureur que j’ai déjà croisé aujourd’hui, Vadim Deslandes, encore là lorsqu’il s’agit de prendre le bon coup.
            Un peu plus nombreux, il m’est plus facile de récupérer dans les roues mais je tiens malgré tout à faire ma part de travail. Lecroq m’agace et ne faillit pas à sa réputation de raton : il passe un relais tous les cinq kilomètres. Le niveau est très hétérogène mais le groupe reste efficace car ses moteurs ne rechignent pas à la tâche. On se rend compte petit à petit que les deux coureurs de tête ne seront pas repris et on joue désormais les places d’honneur. Je m’attends qu’au vu de l’hétérogénéité du groupe, la décision se fasse à la pédale dans la dernière ascension. Maladroitement, je tente de faire la différence à la pédale dans les pourcentages mais je ne suis toujours pas assez tranchant, même si je fais mal à tout le monde. Tous serrent les dents et au sommet, je me relève et assiste au contre de Deslandes, bien maitrisé par Grellier. Je sens venir l’attaque d’Anthony Turgis mais je ne n’y vais pas pour autant, grosse erreur. Seulement poursuivi par Ferrasse, je me rends vite compte que les deux plus forts et plus volontaires sont partis et l’aide de Wadim me me suffit pas pour maitriser l’écart. C’est désormais certain, on ne joue plus que la 5e place.
            Le final est tactique et je vais chercher du tac au tac toutes les attaques de Wadim dont je me méfie, mais lui aussi est entamé. Les autres semblent attendre le sprint. Wadim tente d’anticiper encore une dernière fois à 700 mètres mais les autres se jettent dans sa roue. C’est Lecroq qui lance le sprint de loin et à la fraicheur, il parvient à conserver l’avance qu’il a pris sur le démarrage. Wadim a pris sa roue et moi la sienne, je déborde pour le passer mais il remet un coup de rein. Je remonte à sa hauteur sur la ligne et même la photo finish ne nous départage pas clairement. Je suis classé derrière lui ,7e, mais je ne sais toujours pas si c’est vraiment lui qui m’a devancé ou pas.
            Un très bon bilan en terme de course, j’ai pris mon pied, c’était une vraie course de guerrier, j’ai couru en baroudeur en parcourant environ 110 kilomètres échappé. Je l’ai payé sur la fin mais je ne le regrette pas. Après un week-end de coupure, la condition n’est plus la même mais je n’ai pas perdu grand-chose. J’en connais maintenant un peu plus sur mes adversaires et je serai présent le jour des championnats de France en bien meilleure condition, dans maintenant 3 semaines.