Etape 2
Charolles – Paray le Monial, 18,1km CLM

Le parcours qu’on a pu repérer la veille, s’annonce délicat à gérer avec 5 premiers kilomètres descendants, une côte raide et irrégulière que prolongent de longs faux-plats exigeants et sujets au vent, puis un final plus favorable, jusqu’à la dernière côte dans les faubourgs de Paray. J’ai la chance de disposer d’un beau vélo de contre-la-montre, que je vais faire à fond comme d’habitude, mais au vu de ma bonne forme je peux espérer d’être moins mauvais que d’habitude, le test peut avoir son intérêt. Au niveau de l’enjeu me concernant, il reste assez limité, mais un bon classement général est envisageable si je m’en sors bien aujourd’hui, la défense du maillot blanc passe elle aussi par un chrono sérieux. Mais c’est surtout un challenge personnel intéressant.
Je m’élance entre les maillots bleu de Théo Cozzi, meilleur coureur local et rouge de Benoit Robert, meilleur 3e catégorie qui m’a devancé la veille. Le départ n’est pas exigeant mais je m’applique d’entrée pour bien rentrer dans le chrono, il ne faut pas s’endormir ni chercher à garder de l’énergie pour la côte qui sera décisive bien sur, mais laissera la possibilité de l’aborder frais si je sais me relever un peu avant. Je déroule face au vent, avec un braquet changeant au gré des vallons, finalement le premier tiers n’est pas si roulant que ça. Je mets en route rapidement mais progressivement, je contrôle les sensations, même si je n’ai pas accès au cardio. Jusqu’ici, tout va bien et je crois n’avoir pas trop concédé de temps, avant le petit pont et le virage à gauche qui annonce le pied de la côte du jour, que j’aborde avec sérénité. Je monte a
ssis tout ce que je peux, à une intensité très constante en jouant beaucoup du dérailleur. Je ne me permets de relancer qu’une fois sur les faux-plats où selon moi, ceux qui s’écraseront perdront beaucoup de temps, et où à contrario, je peux peut-être faire la différence. La moto ouvreuse me ralentit à plusieurs reprises lorsque la route tourne de trop, mais se rachètera bien plus loin, lorsque la route redeviendra plus large. Les derniers kilomètres sont les plus agréables, même si je dois encore me faire violence pour bien rester au seuil, apercevoir Théo pas loin devant est plutôt encourageant. Je pénètre enfin dans Paray et guette le pied de la rampe finale, qui se dresse aux 500m, et que je passe en résistance, sans m’écraser, jusqu’à ce que je puisse couper mon effort la ligne fanchie.
J’assiste à l’arrivée du coureur suivant un peu moins d’une minute après moi, il a donc certainement fait mieux : il s’avère en fait que ce n’était pas le coureur après moi, mais Thomas Boulongne le précédent ; qui écrase le contre-la-montre en me prenant 1’40. Finalement, je réalise un temps correct, voire à mon échelle plutôt très bon, puisque c’est de loin mon chrono le plus intéressant jusqu’ici. Je suis satisfait d’avoir pu tenir mon rang sur cet effort, c’est encourageant, la préparation à dominante aérobie pour le Valromey semble transformer un peu mon profil de coureur, et j’en profite contre-la-montre.
Test concluant ; il reste à concrétiser cet après-midi, sur un parcours de puncher taillé à ma mesure, avec un circuit final et une arrivée exigeante, dans un raidard d’un bon kilomètre. Le terrain s’y prête, je repars motivé !
Etape 3
Digoin – Bourbon Lancy, 93km

Le parcours de l’après-midi se décompose en une première partie en ligne avant de rejoindre une boucle d’une douzaine de kilomètres autour de Bourbon Lancy, assez vallonnée mais bien moins que la veille. Thomas Boulongne semble armé pour défendre son solide maillot jaune, il n’a pas vraiment d’adversaire ; et en ce qui concerne le maillot à pois de Loic Ruffaut, ce dernier va tout faire pour le défendre, ce qui n’est pas mon cas, et il sera difficile à reprendre lui aussi. Je me concentre donc totalement sur la victoire d’étape qui semble tout à fait à ma portée.
Le départ est donné sur une nationale à la sortie de Digoin après un bref départ fictif, et le plus actif du club en début de course est sans conteste Rémy qui, bien que maladroitement, parvient à prendre quelques longueurs d’avance, avant de le payer rapidement… Je m’applique à bien me placer avant le premier grimpeur dans quelques kilomètres, mais je ne suis pas le seul et en fin de compte, je n’y parviens pas vraiment. Je laisse donc partir les premiers points des GPM sans trop opposer de résistance à un Loic Ruffaut qui a mis un coureur à son service. C’est sur le plateau après le sommet que je redouble de vigilance, sentant le terrain propice à la formation de la première échappée, qui pourrait devenir intéressante. Thomas et Mikhel sont plus réactifs que moi et lorsqu’ils contrent une de mes tentatives, je m’occupe de neutraliser la réaction du peloton, ce qui permet à cette poignée de coureurs de très vite prendre du champ. Il est évident que le bon coup vient de sortir sous mes yeux, mais avec mon assentiment ; me voilà tranquille pour un moment, je peux retourner me faire discret à l’arrière, la course ne bougera pas d’ici un long moment.
Je passe une grosse demi-heure dans les derniers du peloton, sans chercher trop à me préoccuper du reste. Lorsque je m’ennuie, je mange mes ravitos si bien que je me retrouve rapidement à sec. J’ai hâte que la course se décante de nouveau, mais dois me résoudre à assister impuissant au bal des ardoisiers qui régulièrement, viennent troubler ma léthargie en nous informant d’un écart sans cesse grandissant. Après un long moment de calme, je me donne enfin l’autorisation de remonter un peu, au regard d’un panneau indicateur signalant l’arrivée à Bourbon dans 5 kilomètres. Après avoir culminé un temps au-dessus des deux minutes, l’écart qui jusqu’ici augmentait régulièrement se met soudainement à stagner puis à se réduire très vite, sous l’impulsion de certaines équipes piégées semble t-il, je ne suis pas encore assez placé pour en constater. L’arrivée dans les faubourgs de Bourbon Lancy est marquée par une descente assez significative, puis la présence de signaleurs plus nombreux, de barrières et enfin d’une flamme rouge : nous sommes sur le circuit final.
D’entrée, on emprunte la côte qui servira de juge de paix dans 40 kilomètres. L’allure, la bande son, la pente et les braquets, tout s’emballe ; je retrouve l’acide lactique que je n’avais pas senti monter depuis longtemps. Le réveil est douloureux en ce qui me concerne et je choisis l’option prudente, celle de rester au chaud dans le ventre du peloton, voire de rétrograder un peu. Autant d’énergie qui de toute façon pourra me resservir plus tard, j’ai pris rendez-vous avec cette montée dans une petite heure… Le premier tour de circuit est intense, les attaques reprennent, le rythme se saccade de nouveau et l’équipe de Dijon doit bientôt entrer en action, pour neutraliser les tentatives de contre, mais ne seront jamais vraiment malmenés en fin de compte. Je me fais une frayeur en déraillant de nouveau comme la veille dans une petite ascension, mais je peux repartir tout de suite avec l’aide d’un coureur qui m’a gentiment poussé et que je remercie. Je reste donc attentiste encore une fois et tout se regroupe à chaque fois, mais l’écart diminue toujours, et passe désormais sous la minute.
Voyant le rythme diminuer au retour sur une grande route large et très venteuse, l’équipe du maillot vert décide de prendre la poursuite à son compte puisque elle est menacée par les coureurs de l’échappée. Cette situation m’avantage personnellement, et je me cale dans la roue du maillot vert tout à l’avant du peloton avant que les positions ne se figent, puisqu’il n’y a plus d’attaques, et donc plus de turn-over. Me voilà idéalement placé pour constater de l’évolution de la course. L’écart diminue finalement très peu puisque aussi bien organisés, les échappés sont un peu plus nombreux que les équipiers du leader des rushs. Au bout du compte, les échappés ne seront pas repris assez tôt et le maillot vert changera définitivement d’épaules pour tomber sur celles… De notre estonien Mikhel Raim. Au second passage sur la ligne, je suis un peu mieux qu’au précédent et je reste un peu mieux placé, sans toujours toutefois participer aux débats. Ca monte vite de nouveau et le groupe principal s’écrème encore un peu. Les échappés, à une portée de fusil maintenant, ne résisteront pas longtemps et nous reprenons les coureurs les plus entamés en premier, les plus résistants enfin. Le peloton est de nouveau groupé, une seconde course peut commencer.
Dans la côte où j’avais déraillé un peu plus tôt, je place une attaque assez tranchante. Je regarde ce qu’il en est mais on ne me laisse pas vraiment partir, le peloton réagit, un peu surpris toutefois. J’emmène finalement avec moi deux coureurs dont le maillot vert, Victor Leblond, qui ne compte pas tout perdre aujourd’hui. J’empoche au passage, au cas où, les derniers points du meilleur grimpeur mais je sais que le maillot ne sera pas pour moi ce soir, pour un détail de trois points seulement. Le groupe s’organise mais ne se donne pas à fond et je l’avoue, moi le premier lorsque je constate qu’on ne prend pas trop de champ, et que la portion la plus défavorable reste à venir. Finalement, lorsqu’on est repris, j’estime que c’est presque mieux, mais je reste vigilant à la formation d’un nouveau groupe de costauds un peu plus nombreux, qui pourrait encore se former. Il n’en sera rien, et on pénètre de nouveau dans la ville de Bourbon, pour attaquer le dernier tour de circuit.
Je prends ma décision et en informe les autres de l’équipe : je veux une arrivée de costaud, au sprint. Plus la course progresse et plus je me sens puissant, j’ai usé peu de jus dans les divers faits de course et je suis par conséquent le grand favori en cas d’arrivée groupée. Pour l’emporter, je pense qu’il me suffirait d’arriver pour la victoire au pied de la dernière côte qui convient à merveille à mes qualités. Avoir une équipe à mon service permettrait de m’en assurer, et je crois fermement en mes chances de victoire. Les attaques sont moins tranchantes dans cette dernière boucle, les attaquants moins nombreux, mais en revanche certains d’entre eux bien plus déterminés à y laisser toutes leurs chances : Antoine Bravard, de la sélection guadeloupe, résiste très longtemps et parvient à prendre et à conserver longtemps un avantage de 20 secondes. Mais au retour il ne peut que buter face au vent et doit se résoudre à se relever ; pour laisser place à d’autres baroudeurs, sans plus de succès.
Je suis bien entouré par Thomas et Valentin qui m’aident à me replacer dans le vent, puis bientôt par Mikhel qui m’a proposé de servir de poisson pilote. Je vais devoir assurer… Très concentré dans mon placement et déjà un peu dans mon sprint, je ne prête pas une grande attention à l’attaque de Théo Cozzi à 5 kilomètres. Je le remarque un peu plus loin, et je commence à m’en inquiéter : il a pris facilement 15 secondes, c’est beaucoup, le final comprend une longue descente dans laquelle il ne perdra pas de temps. Je le fais bien savoir à Thomas qui se sacrifie et donne tout ce qu’il peut. Il ne roule pas assez vite… Je ronge mon frein. La descente arrive maintenant et je dois faire face aux autres coureurs qui veulent prendre ma place. Je la défends. La descente terminée, il ne reste plus que quelques hectomètres de plat avant que la route ne s’incline pour la dernière fois et Cozzi n’est toujours pas en vue… Je suis dans la roue de Mikhel, idéalement placé. Il produit son effort très violemment encore loin de l’arrivée. Je suis presque surpris. Je dois assurer ! Il asphyxie déjà bon nombre de mes adversaires, mais je tiens finalement son rythme assez aisément, les toxines commencent à monter. Au sortir de la dernière courbe, il reste 200 mètres et Cozzi en possède encore presque 100 d’avance. Je déboite déjà, c’est encore loin puisque la pente dépasse les 10%. Je donne tout ce que j’ai en résistance, je monte très très vite, je sais que la victoire ne se jouera plus qu’entre Cozzi et moi. Tout le monde crie autour et leurs regards en disent long sur le suspense qui bat encore à son plein. Ils applaudissent d’abord Théo, puis très rapidement, je capte l’attention de leurs gros yeux alors ébahis, se demandant si je ne vais pas réussir à le coiffer sur la ligne. Je comprends rapidement que je n’y parviendrai pas. J’échoue à presque rien, il s’écroule, mais il a déjà franchi la ligne et je le double 5 mètres après à peine, 5 de trop… Je n’ai pas réussi à gagner mais quel numéro de Cozzi, qui a réussi à l’emporter de la plus belle des façons chez lui, pour presque rien.
Je suis mi déçu, mi fier de la déculottée que j’ai mis au reste du peloton. 2 secondes au troisième, 4 au quatrième qui n’est autre Mikhel et 5 à tout le reste du groupe ! Malheureusement, ça aurait certainement plus fait parler s’il y avait eu la victoire au bout, qu’à cela ne tienne, le test est tout à fait concluant à une semaine du Valromey. Les dés sont jetés, plus que trois jours de patience, et je pourrai peut-être enfin prendre ma revanche sur l’année dernière…