#3 Aubenas
#3 Aubenas

#3 Aubenas

CVAC…

La reco de la veille avait permis de se familiariser un peu avec le terrain, parce que c’est pas tous les jours qu’on court sur 55km en ligne en cadet… Les difficultées étaient centrées à mi-course avec deux cols de 3 et 1km, le tout orné de quelques vallonements qui n’étaient pas sur le road-book mais qu’il fallait prendre en compte quand même. Pour l’aller et le retour, des grandes lignes droites larges et plates, un peu inutiles puisque ça ne roulait jamais. Enfin les deux dernières bornes, où s’enchainaient deux bosses de 800m mais où la 2e était beauuuuucoup plus raide que la première.
Jme doutais un peu que ça allait arriver au sprint, enfin si on peut apeller ça comme ça, mais j’avais prémédité mon coup pour sortir dans le second col. Derrière c’était valloné sur des petites routes tortueuses donc si ça sortait, ça tenait.

Le départ est à peine donné qu’un boyau éclate déjà. Slalom entre les ilots, cross-country sur les pavés, scéances de surplace aux ronds-points. De derrière, un peloton cadet sur une trois voies, c’est folklorique. Surtout quand on doit rester sur celle de droite, ou à défaut, esquiver quelques voitures. Un petit 30 de moyenne sur les faux plats descendants, on pourrait presque faire du tourisme, flaner un peu entre vieilles batisses du XVe, collines désertes et rocheuses de provence, tendre l’oreille pour entendre les cigales… Ou sinon rester concentré entre les vagues qui remontent celles qui descendent ; éviter les cailloux sauteurs ou les nids de poule dans lesquels Loic Salazar termine sa course au bout de 10km. Saint Etienne de Fontbellon, Saint Sernin, Vogüe, et la course s’accélère, on sait que ça tourne bientôt et que surtout, ça monte ; alors on veut se replacer parce qu’on sait que tout le monde n’était pas au départ pour faire du tourisme…
L’emballage est progressif et le profil se tourmente de plus en plus. Pour ceux qui n’auraient pas repéré le parcours, Pierre André donne le signal en posant une première attaque au pied de la bosse. 40km/h au compteur. 70 coureurs en file indienne. Première, parce qu’il y en a une deuxième, puis une troisième. Sans trop savoir pour quelle raison, mes nerfs craquent : j’en remets une couche au bout d’un gros kilomètre. Le même Pierre André revient encore et dès son premier relai je me demande dans quelle merde j’ai encore été me foutre. Il cale un petit peu a ma plus grande joie, on est tous les deux un peu entrain de récupérer de l’attaque, juste à 30 km/h. Derrière il y a toujours du Peters, du Esquer, du Jasserand, du Rolland pour ramener au bout d’un petit kilomètre et je rentre sagement dans le rang. On est encore une trentaine dans le peloton. Par endroit de petites cassures se forment. Pierre André est toujours devant à secouer tout ça, et ça grimace justement. Le col paraissait plus long et plus dur à la reco, car le sommet est vite derrière nous.
Evidemment, dans la descente, ça roule aussi vite que dans la montée et on a vite fait de retrouver les copains distancés. La descente n’a pas été très utile encore une fois et c’est un gros paté qui entame le second col. Je suis mal placé mais je saisis l’ouverture pour poser une attaque franche, comme prévu, et j’embraye sans en garder sur la fin du col. Pierre André me suit encore comme mon ombre et j’en viens à me demander si tout ne serait pas un éternel recommencement, quand je me retourne pour voir que le peloton est un peu partout, y compris presque dans nos roues. La route sinueuse nous suffit pourtant à gérer notre avantage, jusqu’à ce que ma cale touche par terre dans un virage et je passe tout près de la chute… Une relance dont le me serais bien passée et hop, c’est revenu dans la roue de Pierre André. Le trou est fait. La tactique paye pour le moment mais derrière c’est encore organisé. Je doute que Pierre André se soit posé ce genre de questions à ce moment, puisqu’il lui suffit de monter un petit talus à son rythme pour me faire sauter d’un coup, d’un seul. Les membres du peloton me remontent les uns après les autres et sont autant de roues qui s’éloignent. C’est con, je stabilise l’écart à 10m de la roue de Rullière que je suis à l’aveugle pendant deux bons kilomètres avant d’y recoller. Devant Pierre André est toujours à bloc 20m devant le peloton. Il est revu à l’entrée de Ruoms, soit à la sortie des faux plats et des petites routes gravilloneuses et au retour des grands boulevards d’asphalte parfaite.
Etat des lieux : il reste une petite vingtaine de coureurs. Une attaque de temps en temps, que je remarque au bruit des chaines qui descendent et qui montent sur les pignons. Une petite relance en danseuse dans les roues et c’est revenu devant. Je me donne un crédit, que j’utilise à une quinzaine de kilomètres de l’arrivée. Le duo du CVAC me rentre dessus sans trop de problèmes, puis le reste de la meute. Progressivement les loups se calment et on retrouve notre bon vieux rythme de croisière… Eternel recommencement.
Derrière, ça rentre par petits paquets et on se retrouve très vite à une cinquantaine. Le retour ressemble étrangement à l’aller, si ce n’est qu’au lieu de slalomer entre les voitures on slalome maintenant plutot entre les chutes. Thibaud en est victime à 5 ou 6km de l’arrivée et rentre assez vite, après m’avoir et s’être fait une petite frayeur. Et puis rebelote, ça se ranime un peu et quelques attaques recommencent, Adrien tente bien sa chance une fois mais sans plus de succès que nous, ni que Jacquier qui part en sprint au pied de la première bosse pour se garer quelques hectomètres plus haut. La 2e ligne me va très bien. Puis la première, quand certains commencent à s’écarter. Seigle roule clairement pour Pierre André et Guerric. Même sa chute au pied du mur profite à ses leaders du jours, qui l’ont relayé pour s’en aller faire 1 et 2 au sommet. Serré dans le virage je dois relancer pour revenir me caler dans les roues, prendre l’extérieur n’était pas une bonne idée ; mais mon élan m’emporte et ma remontée s’arrête bien vite au niveau de la 6-7e place. Toute la bonne volonté qui se ressentait dans le peloton s’est vite transformé en détresse, la recherche du second souffle succède à l’illusion du premier et tout le monde se rassoit au bout de deux virages. De mon côté le cardio indique 202. Par instants je sors la tête de l’eau et devine au loin deux maillots verts qui sont encore en danseuse, un maillot noir qui se rapproche de moi au fur et à mesure et à qui le second souffle semble manquer. Et quand je me retourne c’est pour me rendre compte que Loic Rolland est déjà à côté de moi à donner le dernier coup de rein, celui qui le fera monter sur la dernière place du podium. Esquer dans la roue, je laisse de côté toutes mes toxines qui me paralysent les jambes, et me concentre sur la ligne d’arrivée et mes quelques coups de pédales qui restent à faire, pour éviter son retour au dernier moment. Une place de 4 dans la douleur, c’est déjà ça, ça aurait pu être pire après la chute en bas du mur. Même si je suis un peu déçu et que si j’en avais plus gardé pour la fin, j’aurais surement fait 3. Mais c’est pas le temps du conditionnel et le résultat est là, pas catastrophique non plus. Je commence petit à petit à m’habituer à la place du con. Mais ce n’est que le début de saison…