#15 1/2/3/J Tour du Beaujolais étapes 2, 3
#15 1/2/3/J Tour du Beaujolais étapes 2, 3

#15 1/2/3/J Tour du Beaujolais étapes 2, 3

Etape 2
Ce matin, le parcours s’apparente à un vire-vire de 15km quasiment tout plat, autour de St Georges de Reneins. Etape dont on dit qu’elle arrive toujours au sprint, ce qui ne serait pas pour me déranger. L’objectif avoué, c’est bien sur de reprendre le maillot des juniors à Théo Dupras ; et pour cela, pas d’autre choix  que de disputer le sprint. Avec deux places d’écart, c’est en quelque sorte celui qui devancera l’autre qui l’endossera pour l’après-midi. Mais en réalité je sais très bien que l’étape d’aujourd’hui est une occasion, de par sa configuration et son profil, d’aller chercher une vraie place au scratch, ce qui n’aurait pas du tout la même saveur…
Dès les premiers tours de roue, je m’aperçois qu’on pourrait presque ranger les coureurs en deux catégories : ceux qui s’en foutent, et qui vont passer la totalité de l’étape sans se mêler au sprint dans le but de se préserver pour l’étape décisive de l’après-midi ; et ceux qui courent cette étape à fond, parce qu’ils n’ont plus d’ambitions au général, et qu’elle ferait sympa sur un palmarès. De mon côté, c’est la seconde catégorie. Les premiers pétards mouillés, les premiers accoups et bientôt, le rythme du peloton se cale aux alentours des 45km/h pour ne plus les quitter. Après une longue ligne droite au coeur de Saint Georges, on se retrouve sur une route cantonale étroite et sinueuse, voire vallonnée sur la fin ; puis on retrouve une nationale. Après avoir participé à quelques coups intéressants je me cale de nouveau dans les roues. Ici, se dresse un interminable faux-plat montant sur une route très large, en haut duquel on trouve un point chaud, puis une courte descente et une épingle pour effectuer le retour sur une autre nationale roulante. A ce stade de la course la moyenne est très élevée et par conséquent, les coups ont du mal à partir. Le premier passage sur la ligne est groupé, et c’est parti pour la seconde des 4 boucles.
Après s’être excité dans la ligne droite de Saint Georges, le peloton se calme. Et sur les routes étroites pour la première fois le rythme décélère, puis les positions se figent. Une dizaine de coureurs sort en deux fois, à l’avant. Je suis enfermé mais mon instinct me crie que c’est ici et tout de suite. En second rideau, derrière les équipiers qui bloquent pour leurs compagnons, ça se regarde beaucoup. Je dois mon salut à Lionel Genthon qui trouve une ouverture. Je suis dans sa roue et m’y engouffre tout de suite, avant qu’elle ne se referme. Il prend un relais très long et me traîne sur son porte bagage. Après une relance je le relaie et monte le rythme encore de deux ou trois km/h : il faut qu’on rentre tout de suite sinon on ne rentre pas. Je recolle aux fesses du groupe au meilleur moment et lâche un rapide coup d’oeil derrière : plus de peloton.
Même le groupe de devant, lui aussi, semble composé d’une moitié de ratons, et d’une autre moitié de baroudeurs. Il y a ceux qui se retrouvent là par chance ou parce qu’ils ont un leader à protéger derrière, comme Julien Prieur ou Sébastien Ivars. On retrouve par chance, un coureur pour chaque team de DN1 : Pour le SCOD, Sébastien Boire ; Pioline du CR4C, Hugentobler pour le CCF, Anderegg pour Charvieu, Chancrin pour l’ECSEL, Genthon donc pour la BAC, Hambrook et Oopik pour l’UC Aubenas, Clément Dornier de la BAC aussi mais qui court sous les couleurs de l’Ain et donc Prieux chez Vaulx et Ivars chez les caladois. Tous evidemment en première catégorie. Lorsque je réalise que je suis seul J1 au milieu de tous ces 1re, je prends des frissons !
Rapidement, je remarque les ratons et les motivés. Malheureusement, il y a plus de ratons. Je me connais, et si je ne me retenais pas un minimum je prendrais volontiers un relais sur deux. L’ardoisier monte à notre hauteur pour nous annoncer 45″, puis 1′ d’avance. Me voilà donc embarqué dans une échappée avec de réelles chances d’aller au bout.. Mais dans ma tête, tout reste encore à faire et surtout absolument rien n’est acquis. Mon manque d’expérience me coûte et il y a beaucoup de situations que je ne comprends pas. Les autres coureurs semblent beaucoup plus sereins, et se donnent beaucoup moins à fond, délibérément même. Prendre un relais leur semble être une corvée. En réalité tout le monde ici sait très bien que l’échappée est la bonne puisque le VC Caladois de Blaise Sonnery a pour consigne de nous laisser autour d’1’30” à l’arrivée. Ca je ne l’apprends qu’au podium de la bouche de l’intéressé ! Et donc lorsque notre avance monte à 1’50 puis surtout pour la première fois redescend à 1’20, je suis le seul affolé, persuadé qu’on se fera encore avoir comme des bleus, comme à Pélussin, et que notre seule gloire sera notre tête sur quelques photos prises par les motards, si encore on les trouve.
La cloche donne une dimension nouvelle à l’étape, puisqu’elle marque en quelque sorte le début de l’explication pour la victoire. Nous sommes précisément 12 à pouvoir espérer gagner. De mon côté, un top 10 me suffirait mais je vais me battre jusqu’au bout pour m’approcher des 5 premiers. L’écart est monté jusqu’à plus de deux minutes, donc on est tranquille. Pour autant je veux éviter que ça s’endorme et je continue à prendre de bons relais. Jusqu’à me retrouver tout seul échappé dans un petite bosse ! Je me relève. Quelqu’un contre, je saute dans les roues mais on sent tout de suite que les autres en ont gardé beaucoup plus sous la pédale. Il faudra jouer serré… J’arrive à contenir à peu près tout jusqu’au retour sur la grande route. Ca se regarde. Je me place en fin de groupe pour tenir dans le groupe jusqu’en haut du long faux plat. L’attaque la plus sérieuse est celle d’Hugentobler. Je suis dans le petit groupe qui le prend en chasse et 5 coureurs sont piégés derrière, alors je roule et fais en sorte qu’on s’entende.. Malheureusement non seulement tout le monde se regroupe mais surtout ça contre et cette fois, je suis vraiment limite ! L’albenassien devant moi laisse un trou et ne le comble pas puisqu’il a un équipier devant. Je prends un micro relais, tout ce que je peux donner. L’écart est fait. Quand on bascule en haut au niveau du point chaud, les 5 secondes qui nous séparent du groupe de tête qui maintenant s’entend deviennent vite dizaine puis vingtaine. Je me retrouve piégé avec Renaud Pioline, Esko Oopik et Sébastien Boire. On continue donc de prendre nos relais assez appuyés pour conserver des chances de rentrer si ça se regarde, mais ça semble compromis. Si je compte bien, on arrive pour la 9e place. Le top 10 est donc encore accessible, mais ça sera plus compliqué.
Aux 500m, je me retrouve en 3e position. Je ne passe plus. Puis dans un petit creux pour passer sous le pont à 200m de l’arrivée, je lance le sprint et creuse tout de suite un écart grâce à ce petit élan. Je règle donc le sprint devant Boire, Pioline et Oopik. Rien que ça ! 9e en première caté. Sacré perf, donc je ne me croyais pas vraiment capable. Elle est belle ! Je peux quand même nourrir des regrets de ne pas être arrivée pour la victoire. Au sprint, le top 5 était probablement dans mes cordes, même si j’ai été juste à la pédale quand ça s’est vraiment dessiné, en costaud. Je récupère donc le maillot des juniors… Et un paquet d’expérience, et de souvenirs.
Etape 3
La journée ne fait que commencer puisqu’il nous reste, à tous, le double en distance à couvrir, ponctué de quelques cols beaujolais pour agrémenter une étape certainement trop facile ? En bref si je termine cet après-midi, j’aurai amélioré mon record de distance à vélo de 40km, pour le porter à plus de 180km dans la journée. Dit plus simplement : si je termine, déjà, c’est bien.
Pourtant, le challenge se veut intéressant : maillot blanc sur les épaules face à un adversaire coriace. Ma minute et 9 secondes de marge ne pèsera pas lourd et on peut dire qu’il suffirait qu’il (Dupras) me lâche pour le récupérer. Mais au moins je peux me contenter de défendre, alors que lui est condamné a m’attaquer s’il veut inverser la tendance.
Petite photo protocolaire qui a bien la classe, entre Sonnery et Anderegg au premier plan. C’est mon premier maillot distinctif et je dois avouer que c’est agréable ! D’ailleurs ma place du matin me vaut quelques félicitations qui font du bien, car ce n’était plus coutume depuis un sacré bout de temps. Un dernier sourire pour la photo avant d’enclencher la pédale, et c’est parti pour une étape au parfum très exotique, mais tout aussi excitant…
Les jambes sont lourdes comme toujours pour une seconde demi-étape. Dès les premières pentes même si je suis toujours très en forme cardiaquement et que je ne peine pas encore, je me connais bien assez pour savoir que les sensations vont se dégrader et les jambes se contracter, pour certainement me condamner plus tard. Je prie pour un scénario pas trop chantier, sans trop y croire…
Au bout d’une vingtaine de kilomètres les choses deviennent plus sérieuses, et le premier vrai col se profile. Rien de bon… J’ai quasiment l’impression de courir chez les pros tant le rythme est élevé, tant il y a de têtes d’affiche, tant la course d’équipe est importante.. C’est maintenant Vaulx-en-Velin de Bescond 3e au général qui roule derrière puisqu’ils sont piégés. On monte tout sur la plaque milieu de cassette. Je réalise seulement au passage du GPM qu’on monte le col de Brouilly et qu’on passe d’ailleurs sur l’arrivée du cyclo-cross. La descente vient calmer le jeu… Quelques mètres, puisque suite à la chute d’un coureur de l’ain juste à côté de moi une cassure survient. Une fois en bas, trois coureurs du CCF remontent en criant “Luminet est derrière, on roule !” Et c’est parti pour du 75km/h sur une grande ligne droite vent de trois-quarts, tout le monde en file indienne. Et moi, pour fermer la marche. Je ne peux pas relever la tête ; j’appuie aussi fort que je peux en essayant de faire en sorte que la roue de devant ne s’éloigne pas. J’espère une accalmie, mais non. Déjà le second col se profile. Je m’accroche à la roue de Dupras sans rien lâcher. Il est de mon niveau, j’ai même peur qu’il soit un peu plus fort, puisqu’il est resté dans le peloton ce matin. En attendant c’est toujours statut quo. Je me retourne : le peloton ne compte plus que 30 coureurs ! On s’engage dans une sorte de guerre des nerfs, que je sais que je risque fort de perdre. Il attaque même pour boucher les trous, et même totalement à bloc, je dois sauter dans la roue. Je donne tout sur chaque effort alors que je sais qu’il lui en reste. Ma seule chance : lui faire croire qu’il ne me lâchera pas. A chaque fois je me replace devant lui en ayant l’air le plus à l’aise possible. Mais à à peine 200m du basculement, j’en ai marre, je craque, je ne peux plus. Tout de suite j’explose et en un kilomètre de descente, je perds le peloton de vue. Des groupes me rattrapent sans que je puisse les accrocher. Il reste encore 50km, je ne pourrai jamais finir. Inutile de s’engager dans un calvaire insensé : je m’arrête…
Aucun regret, j’ai tout donné. De toute façon dans cette configuration, je n’aurai jamais pu aller au bout.
Ce Tour du Beaujolais restera l’une de mes plus belles expériences jusqu’à ce jour. Je croyais m’embarquer dans une galère sans nom, je m’attendais à finir plus bas que terre, loin de ceux pour qui j’ai beaucoup de respect et d’admiration. Au final même si je n’ai pas terminé je rentre avec une 9e place au milieu de beaucoup de ceux-ci, avec autour de moi d’anciens et de futurs pros. Un rêve que je ne m’attendais pas à réaliser maintenant. Ce n’est pas ce que j’attendais, mais cette étape restera de toute façon une de mes (rares) satisfactions à la fin de cette saison.