#34 UCI 1.1 Tour du Valromey étape 3
#34 UCI 1.1 Tour du Valromey étape 3

#34 UCI 1.1 Tour du Valromey étape 3

            Le Tour du Valromey aborde ce vendredi un tournant décisif puisqu’il s’agit des deux jours de course les plus difficile, avec ce jour un enchainement de 3 cols plus une arrivée en côte, et le lendemain, un enchainement de 4 cols parmi les plus difficiles. Le classement général, s’il est déjà largement établi à la suite de son leader Nans Peters, promet d’être bouleversé encore dès ce soir et encore plus le soir suivant, avec l’œuvre de la fatigue toujours grandissante de ces 4 jours de course.
            En embuscade au classement général, nous avons encore trois cartes pour peser sur la course avec Romain, second et le mieux placé de nous trois ; moi-même encore 3e comme la veille à mois d’une minute ainsi que Paul, lui aussi placé dans les 10 premiers. Le but du jeu sera de conserver nos trois cartes au classement général, et si possible, déjà de tenter de déstabiliser les savoyards qui sont les autres hommes forts de ce Valromey avec Peters maillot jaune, et Jasserand, 3e auxquels on pourrait ajouter Thomas Bouvet, 7e. Deux autres challenges intéressants à relever, celui du maillot rouge que porte Valou au départ de l’étape malgré une avance maigre, et celui à pois, que j’ai sur les épaules également, mais dont je ne suis plus le leader pour le moment puisque Nans m’en a dépossédé suite à son échappée hier.
            Le programme du jour me donne largement l’occasion de le lui reprendre officiellement : dès le départ de Chatillon en Michaille dans le pays de Seyssel s’étend le Col de Richemond, abordé dans le versant descendu par les coureurs du Tour de France trois jours plus tôt, soit le plus long et difficile. Après une descente rapide sur le petit abergement, il faut contourner le massif d’Hauteville par le Col de la Cheminée et une petite vallée jusqu’à Chamdor. Dès lors, les cols mythiques du TVO s’enchaînent avec celui de Cuvillat et celui de la Rochette, qui seront de nouveau empruntés le lendemain dans le sens contraire. Après un passage sur le plateau d’Hauteville, il ne reste plus qu’une longue descente vers Artemare à aborder, et enfin, le final en côte pour rejoindre l’arrivée à Chavornay.
            Le départ fictif est de nouveau tendu et ponctué de plusieurs péripéties de la part des comissaires mais je me lasse de toutes les raconter. Pour faire bref, nous sont encore reprochés notre irresponsabilité, notre incompétence ou alors notre manque de respect.
            Le départ réel, lui, sera beaucoup plus vif et les quelques 5 ou 6 kilomètres avant d’aborder le Col de Richemont à proprement parler laissent place à une bagarre d’abord pour l’attribution des points au classement des sprints que Valou ne peut pas disputer ; puis ensuite pour ceux qui veulent anticiper les difficultés, ce qui a pour effet de maintenir un rythme élevé sans transition jusqu’au pied du col, et la formation du duo Pla-Anizan qui restera en tête jusqu’au début de la descente, sans pour autant jamais obtenir un avantage supérieur de 30 secondes, sur un peloton nerveux, mais toujours léthargique. Comme l’an dernier, il est très difficile de se placer au pied et même une fois dans le vif du sujet, beaucoup de coureurs sont encore capables de lutter pour être placé. Mais cette année, je ne bataille pas pour m’accrocher à l’arrière, et je hausse le rythme dans les 300 derniers mètres histoire de tester un peu le terrain avant la récupération de la descente, et surtout pour empocher les 10 points qu’il restait à prendre au sommet, ce qui me permet de prendre la tête du classement de la Montagne pour le moment.
            Je connais cette descente par cœur pour l’avoir parcourue en montée et en descente à l’entraînement, ainsi que l’an passé sous la pluie pour recoller au peloton et je compte bien m’en servir si je le peux. Les premiers virages s’enchaînent et les moins à l’aise laissent place aux spécialistes que sont Simon Favre, Benjamin Jasserand ou les crossmen de BKCP. Cette occasion me permet, immédiatement au pied, d’aller disputer le sprint pour le maillot rouge et ainsi en priver Simon Favre, qui est l’un des adversaires de Valou.
            Une fois franchi le premier col, la course va devenir moins limpide et plus difficile à régenter. De mon côté, je ne veux surtout pas dilapider mes forces maintenant. Thomas fait ce qu’il peut, Romain veut attendre plus loin et, après une rapide visite auprès de Vincent à l’arrière, j’apprends que Valou n’est déjà plus dans le peloton. En conséquence, c’est Paul qui porte sur ses épaules toute la responsabilité de faire la course, il suffira d’une erreur de sa part pour qu’un gros groupe de contre s’en aille, sans roannais mais avec la présence de Bouvet pour la Savoie, ce qui nous pose un problème. Paul nous en veut et met tout en œuvre pour empêcher l’écart d’augmenter. Je suis persuadé que ce groupe n’est pas aussi dangereux qu’il veuille bien le penser et que lui laisser un peu de mou peut réveiller quelques alliés de circonstance, à commencer par la formation BKCP qui n’a personne devant non plus. Thomas vient, après les faux-plats qui suivent le col de la Rochette, se charger de limiter les écarts, chose qu’il réussit admirablement puisqu’il se stabilise à une cinquantaine de secondes, avec l’aide ponctuelle de certaines formations étrangères qui tantôt mettent tous leurs coureurs à tourner à l’avant, tantôt nous laissent seuls assumer la poursuite. L’essentiel, qui est à mon avis d’aborder le col de Cuvillat avec moins d’une minute de retard, est néanmoins assuré.
            Le col de Cuvillat abordé côté Champdor comme c’est le cas aujourd’hui, est plutôt court, moins de 4 kilomètres, mais dont le dernier présente des passages très raides, avec un maximum de presque 15% dans le virage le plus raide à quelques centaines de mètres du sommet. Son irrégularité et la descente d’abord physique qui s’ensuit promet de favoriser l’écrémage et basculer bien placé peut avoir une grande importance. Les premières pentes, elles pourtant, n’offrent pas vraiment de quoi déclencher les hostilités. Le russe Arslanov, toujours dans son style diesel, tente de forcer la décision mais même s’il monte très fort, il n’est pas capable d’imposer d’à-coup suffisamment brutal pour que le groupe ne casse. En revanche, lorsqu’arrive le dernier kilomètre, c’est Benjamin Jasserand qui passe à l’offensive et cette fois, je me jette dans la roue sans temporiser. Je m’emporte un peu lorsque je constate avec surprise que j’ai de bonnes sensations, et je contre. L’élastique casse mais plus loin que prévu, et je m’écrase un peu sur la fin des parties les plus raides. Quentin Jauregui a été le plus patient et passe devant au sommet, suivi de Nans et Benjamin, puis moi immédiatement derrière en bout de course.
            La bascule est douloureuse mais c’est pourtant ici qu’il faut appuyer fort, puisque le premier kilomètre de descente demande toujours de pédaler et les écarts se font à cet endroit. J’accroche les roues des trois coureurs avec qui j’ai basculé, et un rapide coup d’œil à l’arrière une fois en sécurité m’apprend qu’il y a de nombreuses cassures derrière. C’est une situation de course intéressante. Je me replace second du groupe derrière Benjamin Jasserand qui déjà a creusé un petit écart à la faveur de la vraie partie descendante qu’on aborde maintenant : la descente est plus longue que la montée et présente vraiment de quoi creuser un écart. Je prends quelques risques mais si je creuse bien l’écart sur le reste du groupe, Benjamin conserve toujours un virage d’avance sur moi. Je ne parviens à le reprendre qu’une fois en bas au Petit Abergement… En même temps que le groupe d’échappés !
            Je commence à accuser un peu le coup, et je mets à profit ce moment pour récupérer. Je n’ai pas de raison de collaborer puisque ni Paul ni Romain n’ont suivi ce coup. Je reste cependant toujours vigilant au comportement de Benjamin qui lui met tout en œuvre pour organiser ce groupe. Lorsqu’un aborde une ligne droite très cabossée sur la route de Ruffieu, je remarque que plusieurs groupes à l’arrière sont organisés et mènent la chasse, tout en semblant être parfaitement en mesure de recoller. Parmi eux qui feront la jonction juste à l’entrée de Ruffieu et du Col de la Rochette, on retrouve le maillot jaune Nans Peters et mon coéquipier Romain Faussurier, mais pas Paul.
            Le groupe est fort maintenant de trente coureurs et aborde le col de la Rochette, plus régulier mais plus long que le précédent. Le départ est assez rapide mais très vite, le rythme se calme et plus personne ne veut emmener le groupe. Je suis un peu déçu que les choses se terminent comme ça, la montée est presque entièrement escamotée et le peloton avance compact sur les 5 premiers kilomètres de ce col long de 6. Le seul qui aura eu le mérite de hausser le rythme est le champion du monde de cyclo-cross, Mathieu Van der Poel, qui place une attaque tranchante à un peu moins d’un kilomètre du sommet. Je prends sa roue et attaque à mon tour, accompagné par Dorian Lebrat qui me contre avec le second BKCP, Quentin Jauregui. Je me fais violence sur les 300 dernièrs mètres pour n’empocher que les 10 points de la 3e place au sommet. A la bascule, on s’est tous mis dans le rouge, et plus personne ne veut relancer l’allure. Le peloton se reforme dès les premiers virages et tout est à refaire de nouveau.
            L’écrémage n’a rien donné dans ce col et le peloton présente toujours une grosse vingtaine d’hommes pour se jouer la victoire dans la dernière montée de Chavornay. Il ne reste plus à négocier que la descente du col de la Rochette vers Hauteville Lompnes, une partie en faux-plats sur le plateau, puis la longue descente par paliers jusqu’au bourg d’Artemare, pied de la rampe finale. Jusqu’à l’arrivée dans Hauteville, rien ne se passe, il faudra attendre les parties plus roulantes pour que les attaques s’enchaînent de nouveau. Dans un premier temps, je tente de me servir du jeu des attaques pour tenter de prendre un coup d’avance et de partir à l’avant. Mais je réalise vite que Nans et Benjamin sont non seulement capables de verrouiller les coups dangereux mais aussi de nous contrer lorsqu’ils en ont l’occasion. Romain est près de ses limites et tente de m’aider du mieux qu’il le peut, mais ne fait pas le poids de Benjamin en tant que seconde carte. La descente nous soulage et je tente de me faire un peu oublier, puisqu’elle est longue et semble peu propice aux sorties. C’est peut-être une erreur, puisque dès que baisse notre vigilance, Nans et Benjamin, surtout Benjamin d’ailleurs, en profitent pour tenter de nous piéger et finissent par y parvenir, non sans avoir lutté, à 10 kilomètres de l’arrivée dans la partie finale de la descente. Benjamin trouve l’ouverture avec son coéquipier Bouvet, Fabien Grellier et le champion de Belgique Dries Van Gestel, mauvais scénario pour nous ! Je tente de rouler à l’avant mais les bonnes volontés sont rares. Romain m’aide lui aussi dans la mesure du possible mais les autres équipes dont BKCP restent comme d’habitude sans réaction. L’écart augmente jusqu’à 50 secondes au pied de la dernière montée jusqu’à Chavornay, à 4 kilomètres de l’arrivée.
            Romain me dit qu’il va attaquer et que je devrai le contrer. Je place donc une violente attaque après un petit kilomètre de montée pour m’isoler en contre et reprendre au passage Nicolas Carret qui avait anticipé. Nans n’a pas pu suivre mon attaque, mais le groupe finit par combler un écart qui avoisinait un moment les 10-12 secondes. Je me tasse un peu au mauvais moment, juste avant le replat où j’aurais du pouvoir creuser l’écart. Je suis repris par un Quentin Jauregui enfin entreprenant qui démarre dans le dernier passage raide pour profiter du travail de Peters qui a du s’employer pour rouler sur lui. C’est le moment où il faut absolument se battre et je me tords de douleur pour accrocher les roues malgré l’effort que je viens de fournir à contre temps.
            C’est Peters qui, seul doit prendre en charge la poursuite car Quentin Jauregui est un autre danger pour lui : il occupe la 4e place du classement général. C’en est un aussi pour moi mais je ne joue qu’une chose, le maillot jaune, et je suis prêt à prendre le risque de ne pas collaborer avec Nans afin que les écarts au général se resserrent. Je suis de toute façon allé trop loin dans la douleur pour être sur de ne pas exploser ensuite. Alors, j’attends. Jauregui conserve une dizaine de secondes d’avance sur ces portions roulantes et la flamme rouge arrive très vite.
            Le finish est de nouveau en côte sur les 500-600 derniers mètres après une longue portion très roulante. Une arrivée taillée pour mes qualités mais je n’ai pas eu le loisir de récupérer entièrement de mon effort. Je vais donc devoir lutter le plus loin possible avec les toxines… Car le sprint est déjà lancé. L’arrivée est encore loin, presque 400 mètres, mais il n’est plus question de garder des forces. Sur le démarrage, plusieurs coureurs sont plus efficaces que moi mais je remonte du monde à la tolérance aux lactates sur les 100 derniers mètres. La pente augmente encore et encore, les forces manquent à tout le monde. Le plus efficace est le néerlandais Van der Poel mais lui aussi finit par se tasser et je commence à le passer par l’extérieur mais je n’ai plus assez de forces. Je me bats et franchis la ligne quasiment arrêté, comme tous les autres, en 3e position du groupe principal, et donc en 8e de l’étape, à 39 secondes de Benjamin qui remporte de nouveau l’étape en solitaire.
            Au classement général, les écarts se resserrent et je reste 3e, seulement ce n’est plus Romain qui me précède mais Benjamin Jasserand qui continue sa remontée, pointant maintenant à 35” de Nans. J’ai repris moi aussi 6 secondes à Nans, toujours ça de pris, pour remonter à 46”. Quentin Jauregui se rapproche de moi mais reste 4e à un peu plus d’une minute. Van Gestel le 5e est déjà à plus de deux minutes ! Le podium se précise, mais la victoire finale est encore très indécise, je donnerai tout demain pour renverser la situation. C’est largement faisable. On peut simplement regretter d’avoir perdu la carte Paul Sauvage qui, victime d’une crevaison et d’une chute aujourd’hui après le passage de Cuvillat, a perdu toutes ses chances au classement général. Demain nous attend encore la plus grosse et la plus dure journée de ce Tour du Valromey.